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États-Unis : Des mesures liées au Covid ont entravé le droit de vote

Les leçons tirées des primaires dans quatre États américains devraient donner lieu à des réformes avant l’élection présidentielle de novembre

Un habitant de Milwaukee, dans l’État américain de Wisconsin, portait un masque de protection contre le Covid-19 en faisant la queue devant un bureau de vote le 7 avril 2020. Ce jour-là, des primaires étaient tenues dans cet État, en tant qu’étape préliminaire de l’élection présidentielle prévue en novembre 2020. © 2020 AP Photo/Morry Gash

(Washington) - Aux États-Unis, les mesures prises par les responsables électoraux de quatre États face à la pandémie de Covid-19 ont nui à la capacité de certains citoyens à voter lors des élections primaires, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport rendu public aujourd’hui. Ces responsables devraient veiller à ce que toutes les façons de voter autorisées dans leur États respectifs soient aisément accessibles lors de l’élection présidentielle prévue le 3 novembre, afin de renforcer la crédibilité de ce scrutin.

Le rapport de 83 pages, intitulé « What Democracy Looks Like: Protecting Voting Rights in the US during the Covid-19 Pandemic » (« À quoi ressemble la démocratie : Protéger le droit de vote aux États-Unis pendant la pandémie de Covid-19 »), examine les changements apportés par les responsables électoraux en réponse à la pandémie à la veille des primaires de 2020 en Arizona, en Caroline du Sud, en Pennsylvanie, et au Wisconsin et leur impact sur le droit de vote. Human Rights Watch a recommandé des mesures à prendre pour les élections de novembre et au-delà, afin de prévenir les atteintes au droit de vote, qui pendant les primaires ont eu des effets discriminatoires sur les Noirs et les personnes latino-américaines (« Latinx », terme neutre sur le plan du genre).

« Lors des primaires de 2020, de nombreux électeurs ont dû faire face à des bureaux de vote fermés ou à de longues files d’attente, ou encore choisir entre leur droit de vote et leur droit à la santé », a déclaré Alison Parker, directrice du programme États-Unis à Human Rights Watch et autrice du rapport. « Les autorités nationales et locales devront veiller à ce que ces restrictions aux droits des électeurs ne soient pas reconduites en novembre et que les options pour voter et la disponibilité de celles-ci, dont le nombre de bureaux de vote, soient élargies et non réduites. »

Lors des primaires du Wisconsin, au printemps dernier, de nombreux citoyens, en particulier des Noirs et des Latinx, n’ont pas pu voter à Milwaukee par manque de temps ou parce qu’ils n’étaient pas physiquement en mesure de faire la queue, ne bénéficiaient pas de moyens de transport ou craignaient d’être exposés à la pandémie de Covid-19 dans les quelques bureaux de vote bondés qui sont restés ouverts avec un nombre insuffisant d’assesseurs. La fermeture des bureaux de vote va à l’encontre des recommandations scientifiques sur la réduction des regroupements de personnes et des files d’attente dans le contexte de lutte contre la pandémie.

Compte de la préférence exprimée par de nombreux Noirs, et documentée par des études, pour vérifier en personne que leur bulletin de vote a bien été glissé dans l’urne, la fermeture des bureaux de vote et leur consolidation dans le comté de Philadelphie, en Pennsylvanie et dans le comté de Richland, en Caroline du Sud, ont peut-être eu un effet disproportionné sur leur droit de vote en raison des difficultés à trouver les bureaux restants, à avoir accès à des moyens de transport ou à patienter dans les files d’attente.

« J’étais tellement énervée », a raconté une femme de 67 ans vivant à Columbia, en Caroline du Sud, dont le bureau de vote habituel était fermé : elle a été refusée par le bureau de vote vers lequel elle avait été ensuite orientée et il lui a été dit, trop tard, qu’elle devait se rendre dans un troisième bureau de vote. « Pour la première fois depuis l’âge de 18 ans, je n’ai pas pu voter. C’était horrible, ce soir-là. J’avais l’impression qu’ils se fichaient de savoir si je pouvais voter ou non. »

Lors des primaires de 2020, les autorités nationales et locales n’ont pas pris davantage de mesures pour aplanir les obstacles bureaucratiques, linguistiques et autres qui se posent au vote des électeurs votant par procuration ou correspondance, privant de nombreux citoyens, dont Noirs, des Latinx et des Amérindiens, d’exercer leur droit de vote.

Malgré ses efforts, une femme interrogée à Columbia, en Caroline du Sud, n’a pas réussi à voter à distance en raison de ses problèmes de santé susceptibles de déclencher des complications graves si elle contractait la Covid-19. Elle avait actualisé son adresse des mois à l’avance, et passé à plusieurs reprises des appels à cet égard, mais n’a pas reçu à temps son bulletin de vote par correspondance avec la bonne adresse. « Je n’ai pas ménagé ma peine pour obtenir mon vote [pour la primaire], mais je ne suis pas parvenu », a-t-elle confié.

Depuis les primaires, l’Arizona et le Wisconsin ont pris des mesures pour améliorer cette situation. Un projet de loi est à l’étude par la législature de Pennsylvanie en vue de faciliter le recrutement d’agents électoraux et le dépouillement des bulletins de vote reçus par la Poste. Une récente décision de la Cour suprême de Pennsylvanie a prolongé les délais légaux impartis pour le dépouillement des bulletins de vote envoyés par correspondance, et a élargi le recours de points de dépôts sécurisés à travers cet État. Néanmoins, les autorités à tous les niveaux dans le pays devraient en faire davantage pour garantir que tous les citoyens puissent voter librement et en l’absence de toute discrimination, a souligné Human Rights Watch.

« Les conclusions de Human Rights Watch montrent clairement que les responsables électoraux américains ont pris de mauvaises décisions qui ont eu un impact discriminatoire, en particulier sur les Noirs et les Latinx », a constaté Derrick Johnson, président-directeur général de la NAACP, une organisation qui lutte de longue date contre la discrimination raciale aux États-Unis. « À l’avenir, les responsables devraient savoir que, indépendamment de leurs intentions, de telles actions constituent une violation du droit international des droits de l’homme. »

Ces derniers mois, des pays comme la Corée du Sud et l’Indonésie ont ouvert des bureaux de vote supplémentaires face à la pandémie de Covid-19. Les responsables électoraux aux États-Unis devraient faire de même et installer des points de dépôt sécurisés pour accommoder les électeurs désireux d’obtenir la confirmation « en personne » que leur vote a bien été pris en compte, a préconisé Human Rights Watch.

Ils doivent également dissiper la confusion observée lors des primaires et suscitée par les débats sur le financement de la poste américaine, cruciale pour le vote par correspondance. Il est de la plus haute importance de s’assurer que les électeurs soient correctement informés des subtilités du système électoral local. Surmonter les obstacles linguistiques est essentiel pour les électeurs latino-américains et amérindiens, a ajouté Human Rights Watch.

S’adapter aux conditions actuelles et éviter de répéter les erreurs de la saison des primaires de 2020 passent également par davantage de personnel, de ressources et de temps au-delà de l’échéance électorale pour faire face à une hausse prévue du nombre de votes par correspondance et par procuration.

« Il est du devoir des fonctionnaires électoraux de faciliter le vote de chaque électeur éligible », a déclaré Alison Parker. « Les responsables électoraux devront surmonter de nombreux défis avant le jour du scrutin et au-delà pour protéger le droit de vote et garantir la crédibilité des élections américaines. »

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