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Soumission de Human Rights Watch à l'Examen régional pour l'Afrique sur la mise en œuvre du Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières

Objet : Défis à la mise en œuvre des objectifs du PMM Nos 4, 10, 13, 15, 17, 21 en Afrique du Sud, au Cameroun, en Mauritanie, au Nigeria, au Sénégal et en Tanzanie Décembre 2018 – Juin 2021

Sommaire :
I. Introduction
II. Traite des personnes (Nigeria, Sénégal)
III. Détention des migrants (Mauritanie, Afrique du Sud)
IV. Retours de migrants (Cameroun, Mauritanie, Tanzanie)
V. Discrimination, xénophobie, accès aux services et à la documentation (Afrique du Sud)
VI. Obligations légales

 

I. Introduction

L'adoption par l'Assemblée générale des Nations Unies du Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières (GCM en anglais, PMM en français) en décembre 2018 par le vote de 152 États, dont plus d'un quart sont des États africains, a marqué une étape importante dans l'engagement mondial à protéger les droits des migrants, à réduire les risques et les vulnérabilités auxquels ils sont confrontés et à améliorer les systèmes, les politiques et les pratiques de réponse à la migration.

À l’approche du premier examen régional de l'Afrique, Human Rights Watch se félicite de l'opportunité de fournir des informations relatives au statut et aux dimensions des droits humains de la mise en œuvre du PMM dans la région, en réponse à l'appel à soumissions des parties prenantes du Réseau des Nations Unies sur la migration.

Conformément à notre mandat en tant qu'organisation non gouvernementale internationale indépendante dédiée à enquêter, documenter et dénoncer les violations des droits humains dans le monde, Human Rights Watch a choisi de concentrer cette soumission sur les défis pour progresser sur plusieurs objectifs du PMM axés sur les droits, énumérés ci-dessous. Nous visons à nous appuyer sur un certain nombre d'efforts menés par l'Afrique pour faire progresser les droits humains des migrants, notamment le travail du Rapporteur Spécial sur les réfugiés, demandeurs d’asile, personnes déplacées internes et les migrants en Afrique, ainsi que les engagements au sein du Cadre de la politique migratoire pour l’Afrique et plan d’action de l'Union africaine et de la Position africaine commune sur le PMM.

Une grande partie de cette soumission examine les défis à la mise en œuvre des objectifs suivants du PMM, dans le cadre du Domaine thématique 2 de l’Examen régional, « Protéger les migrants par des mesures de gouvernance des frontières fondées sur les droits » :

  • Objectif 4 du PMM : « Munir tous les migrants d’une preuve d’identité légale et de papiers adéquats. »
  • Objectif 10 du PMM : « Prévenir, combattre et éliminer la traite de personnes dans le cadre des migrations internationales. » Les États se sont engagés à agir « aux fins des enquêtes, des poursuites et des sanctions, en décourageant la demande qui favorise l’exploitation puis la traite », et à « améliorer l’identification des migrants devenus victimes de traite ainsi que la protection et l’assistance qui leur sont offertes, s’agissant notamment des femmes et des enfants. »
  • Objectif 13 du PMM : « Ne recourir au placement en rétention administrative des migrants qu’en dernier ressort et chercher des solutions de rechange. » Les États se sont engagés à garantir que tout placement en rétention « fasse suite à une procédure régulière, ne soit pas arbitraire, soit fondé sur le droit, dans le respect des principes de nécessité et de proportionnalité, et sur les conclusions d’évaluations individuelles, et soit opéré par des fonctionnaires autorisés et pour la période la plus courte possible » ; « à donner la priorité aux solutions non privatives de liberté qui sont conformes au droit international et à adopter une approche fondée sur les droits de l’homme en ce qui concerne la rétention administrative des migrants. »
  • Objectif 21 du PMM : « Coopérer en vue de faciliter le retour et la réadmission des migrants en toute sécurité et dignité, ainsi que leur réintégration durable. » Les États se sont engagés à « faire respecter la légalité, à procéder à des évaluations individuelles et à ménager à chacun des voies de recours, tout en nous abstenant de procéder à des expulsions collectives et au rapatriement [refoulement] de migrants lorsqu’ils courent un risque réel et prévisible de perdre la vie, d’être soumis à la torture ou à d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ou de subir tout autre préjudice irréparable, conformément aux obligations qui nous incombent au regard du droit international des droits de l’homme. » Concernant la réintégration des migrants retournant dans leur pays, les États se sont engagés à « créer des conditions propices à la sécurité personnelle, à l’émancipation économique, à l’inclusion et à la cohésion sociale dans les communautés. »

Pour un cas, nous examinons également les problèmes liés aux objectifs suivants du PMM :

  • Domaine thématique 3 – Objectif 15 du PMM : « Assurer l’accès des migrants aux services de base. » Les États se sont engagés à « faire en sorte que tous les migrants, quel que soit leur statut migratoire, puissent exercer leurs droits de l’homme en leur assurant un accès sûr aux services de base » et à « créer et renforcer, au niveau local, des espaces de services multiples facilement accessibles, qui soient ouverts aux migrants. »
  • Domaine thématique 4 – Objectif 17 du PMM : « Éliminer toutes les formes de discrimination et encourager un débat public fondé sur l’analyse des faits afin de faire évoluer la manière dont les migrations sont perçues. » Les États se sont engagés à « condamner et combattre les expressions, les manifestations et les actes de racisme, de discrimination raciale, de violence et de xénophobie visant tous les migrants et l’intolérance qui y est associée, conformément au droit international des droits de l’homme. »

Ce document présente un aperçu des principales conclusions de Human Rights Watch relatives aux objectifs ci-dessus dans six États qui ont voté en faveur du PMM en décembre 2018 : l’Afrique du Sud, le Cameroun, la Mauritanie, le Nigeria, le Sénégal et la Tanzanie.

Bien que des violations des droits des migrants aient également eu lieu dans de nombreux autres États, nous avons concentré cette soumission sur des contextes dans lesquels nous avons récemment mené des recherches pertinentes. Nos conclusions sont fondées sur des recherches menées par le biais d'entretiens en personne et par téléphone avec des migrants, des demandeurs d'asile, des réfugiés, des survivants de la traite des êtres humains, des enfants, des travailleurs humanitaires, des témoins de violations, des représentants du gouvernement et autres, ainsi que sur l'analyse de vidéos, de photos, blessures, documents juridiques et autres preuves.

Plusieurs de ces pays ont pris des mesures positives conformément aux objectifs du PMM, tels que le Sénégal et le Nigeria, qui ont intensifié leurs efforts pour lutter contre la traite des personnes, et l’Afrique du Sud, dont le président a annoncé que le gouvernement fournirait l'accès au vaccin Covid-19 à tous les adultes, quel que soit leur statut migratoire. Cependant, nous avons documenté une série de pratiques des six pays qui contreviennent à la fois à leurs engagements en vertu du Pacte mondial et qui violent aussi le droit international et régional des droits humains et des réfugiés.

Human Rights Watch a documenté les violations suivantes entre 2019 et mi-2021 :

  • Des pratiques persistantes et généralisées de traite des personnes au Nigeria et au Sénégal, avec un soutien inadéquat aux victimes et aux survivants.
  • La détention arbitraire de migrants et de demandeurs d’asile, souvent dans des conditions sordides et inacceptables, en Mauritanie et en Afrique du Sud. En Mauritanie, des enfants figuraient parmi les personnes détenues arbitrairement.
  • Des retours forcés : expulsions sommaires ou collectives ou retours forcés (notamment des mesures de renvoi aux frontières terrestres) par la Mauritanie et la Tanzanie, de migrants, demandeurs d'asile ou réfugiés, sans procédure régulière, accompagnées dans certains cas de violences ; et détentions arbitraires et autres abus au Cameroun, à l'encontre de demandeurs d'asile renvoyés (déportés) vers ce pays.
  • Discrimination, xénophobie, accès insuffisant aux services, et documentation inadéquate pour des migrants en Afrique du Sud.

Les détails sur les violations documentées sont présentés ci-dessous, selon un classement par objectif du PMM et par pays, suivis d'un aperçu du droit international et régional interdisant ces pratiques.

Human Rights Watch exhorte les participants à l'examen régional de l'Afrique en août et septembre, notamment les membres du Réseau des Nations Unies sur les migrations, les représentants des États et les parties prenantes telles que la société civile et d'autres organisations, à aborder ces points lors des tables rondes pertinentes. Nous invitons les gouvernements des pays couverts dans cette soumission à répondre aux allégations énumérées ci-dessous et à détailler comment ils aborderont les problèmes cités, afin de travailler à une meilleure mise en œuvre des objectifs pertinents du PMM.

II. Traite des personnes

Actions des États contrevenant à l’Objectif No 10 du PMM : « Prévenir, combattre et éliminer la traite des personnes »

Nigeria

Un rapport de Human Rights Watch d’août 2019 a fourni des comptes rendus détaillés du fonctionnement de la traite des personnes au Nigeria, documentant comment les trafiquants trompent les femmes et les filles, les transportent à l'intérieur et à l'extérieur des frontières nationales et les exploitent dans diverses formes de travail forcé. Le rapport a également révélé que les autorités nigérianes n'avaient pas fourni l'assistance dont les survivantes avaient besoin pour reconstruire leur vie et avaient détenu illégalement dans des refuges de nombreuses femmes et filles déjà traumatisées.

Les autorités nigérianes ont pris des mesures importantes pour lutter contre le problème généralisé de la traite dans le pays, notamment en créant des refuges, en fournissant des soins médicaux et en créant des programmes de formation professionnelle et de soutien économique pour les personnes survivantes de la traite. Cependant, la pratique documentée du gouvernement consistant à détenir les personnes survivantes de la traite dans des refuges, souvent pendant plusieurs mois, a violé leurs droits à la liberté et à la liberté de mouvement et a mis en péril leur rétablissement et leur bien-être. « Je suis ici depuis presque six mois... Je veux rentrer chez moi », a déclaré à Human Rights Watch une jeune femme de 18 ans retenue dans un refuge de l’Agence Nationale pour l'Interdiction de la Traite des Personnes (National Agency for the Prohibition of Trafficking in Persons, NAPTIP).

Nous avons également constaté que de nombreuses survivantes du trafic sexuel et du travail étaient aux prises avec des problèmes de santé mentale et physique non résolus, la pauvreté et la stigmatisation sociale après leur retour au Nigeria, où elles avaient du mal à obtenir un soutien et des services complets et à long terme. Les personnes survivantes ont signalé de longues périodes d'attente sans assistance après avoir contacté les prestataires de services pour obtenir de l'aide, et elles ont déclaré que les prestataires leur communiquaient souvent des informations insuffisantes et ne les impliquaient pas activement dans les décisions concernant leur propre assistance et leur rétablissement.

Recommandations : Le gouvernement nigérian devrait prendre des mesures pour lutter contre les graves problèmes de santé, l'exclusion sociale et la pauvreté auxquels sont confrontés les survivantes de la traite des êtres humains. Les autorités devraient travailler de toute urgence pour améliorer l'assistance et les services aux survivantes rapatriées, notamment en développant et en fournissant des ressources pour des programmes communautaires individuels et collectifs de réadaptation et de réintégration pour les survivantes de la traite ; veiller à ce qu’aucune personne ne soit détenue dans des refuges ; et veiller à ce que les politiques et pratiques des refuges respectent les droits humains des survivantes.

Pour plus d’information, voir :

Sénégal

Chaque année, des enfants connus sous le nom de « talibés » (élèves d’écoles coraniques) migrent vers les grandes villes du Sénégal pour fréquenter les internats coraniques traditionnels (« daaras »), encore non réglementés du Sénégal. Il s’agit d’une part d’enfants sénégalais, et d’autre part d’enfants qui migrent ou sont victimes de la traite en provenance d'autres pays – le plus souvent de la Gambie, de la Guinée ou de la Guinée Bissau, et occasionnellement de la Côte d'Ivoire, du Libéria, du Mali, de la Mauritanie, du Niger ou du Nigeria. Des centaines de talibés et des dizaines de maîtres coraniques (« marabouts ») franchissent les frontières terrestres vers le Sénégal chaque année. Les enfants sont soit amenés par un membre de la famille, soit envoyés seuls, soit amenés en groupe par un maître coranique. Dans certains cas, les marabouts font venir des enfants talibés au Sénégal pour établir de nouveaux daaras. Les abus, l'exploitation et la négligence des talibés se poursuivent à des taux alarmants dans de nombreux daaras. Human Rights Watch a estimé que plus de 100 000 enfants talibés au Sénégal sont forcés par leurs maîtres coraniques à mendier quotidiennement pour de l'argent, de la nourriture, du riz ou du sucre. Entre 2010 et 2019, Human Rights Watch a documenté des séries d’abus commis à l’encontre de talibés, notamment la mendicité forcée, la violence, les abus sexuels, l'enchaînement ou l'emprisonnement, et les décès d'enfants dus aux abus et à la négligence. De nombreux marabouts fixent des quotas de mendicité quotidiens imposés par des coups.

Les recherches de Human Rights Watch permettent de supposer que des centaines à des milliers de talibés sont victimes de la traite des personnes, ce qui, selon la loi sénégalaise, inclut l'acte de les exploiter pour de l'argent par la mendicité forcée, ainsi que le recrutement ou le transport d'enfants à cette fin. « Les études coraniques sont souvent la couverture – il y a pas mal d’enfants talibés qui sont victimes de traite. Les parents confient leur enfant à un marabout, qui emmène les enfants dans un autre pays, les installe dans un bâtiment, et les envoie mendier », a déclaré le responsable d’un centre d'aide à l'enfance à Dakar. Le Sénégal est membre de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), une zone de libre circulation. Cependant, la capacité des maîtres coraniques, ou de ceux qui prétendent être maîtres coraniques, à traverser les frontières vers le Sénégal avec un groupe d'enfants sans pièce d'identité ou sans preuve d'autorisation parentale – y compris après des « négociations » avec la police des frontières, dans certains cas – est restée un problème, contribuant à la prévalence de la traite des enfants.

Malgré des lois nationales strictes interdisant la maltraitance des enfants et la traite des personnes, l'engagement soutenu des autorités sénégalaises pour mettre fin à la mendicité forcée et aux abus des talibés s'est avéré peu concluant. En décembre 2019, Human Rights Watch a publié un rapport examinant les efforts du gouvernement de 2017 à 2019 pour résoudre ces problèmes, et établissant une feuille de route pour le gouvernement afin de mieux protéger les enfants talibés. Nous avons noté qu’entre autres mesures positives prises entre 2017 et 2019, le Sénégal avait intensifié les poursuites à l’encontre de maîtres coraniques pour mendicité forcée dans le cadre de la loi de 2005 relative à la lutte contre la traite des personnes, augmenté le financement et les activités de la Cellule nationale de lutte contre la traite des personnes (CNLTP), établi des cadres de coopération pour le retour des enfants dans les pays voisins et augmenté les postes de contrôle de la police aux frontières. Cependant, par rapport à l'ampleur des abus en cours, les efforts du gouvernement sont restés limités et insuffisants, et les poursuites pour mendicité forcée auraient fortement diminué en 2020.

Recommandations : Le gouvernement devrait appliquer plus systématiquement la loi anti-traite de 2005 et continuer à renforcer les contrôles aux frontières pour surveiller les déplacements des enfants talibés. Tant aux frontières qu'à l'intérieur du territoire, la police et les gendarmes doivent interroger les maîtres coraniques autoproclamés, leurs assistants ou d'autres adultes voyageant avec des groupes d'enfants et demander une pièce d'identité et une autorisation parentale, ainsi que les diplômes du maître ou une preuve de profession. Le gouvernement devrait également adopter un projet de loi de 2013 toujours au point mort établissant des normes pour les daaras, prendre des mesures pour réglementer les daaras et financer de manière adéquate les services de protection des enfants pour aider les talibés victimes d'abus ou de traite.

Pour plus d’information, voir :

III. Détention des migrants

Actions des États contrevenant à l’Objectif No 13 du PMM : « Ne recourir au placement en rétention administrative des migrants qu’en dernier ressort »

Mauritanie

En 2020 et 2021, Human Rights Watch a documenté des cas d'arrestations et de détentions arbitraires et abusives par la police et les gendarmes mauritaniens de migrants interceptés en mer, arrêtés sur le territoire mauritanien ou expulsés des îles Canaries espagnoles. Nous avons parlé avec une douzaine de personnes qui ont décrit avoir subi ou été témoins d'une détention sans procédure régulière, d'enfants non accompagnés détenus avec des adultes sans lien de parenté, d'abus pendant l'arrestation et la détention, et de mauvaises conditions de détention, notamment l'absence de nourriture et d'assainissement adéquats. Les abus allégués ont eu lieu dans un contexte de migration accrue depuis l’Afrique de l’Ouest vers les Îles Canaries (la « Route Atlantique ») pendant 2020 et jusqu’en 2021, de pression de l'UE et de l'Espagne pour lutter contre les flux migratoires irréguliers et de renforcement de la coopération migratoire entre l'Espagne et la Mauritanie. Nous avons également documenté des expulsions collectives par les autorités mauritaniennes, comme noté à la Section IV de cette soumission. Nos conclusions seront détaillées dans un prochain rapport de Human Rights Watch.

Les préoccupations concernant le traitement des migrants par la Mauritanie dans le contexte du contrôle de la migration irrégulière sur la « Route Atlantique », notamment la détention arbitraire et les mauvais traitements en détention, ont également été citées dans des dépêches d’actualité, dans un rapport de février 2021 du Centre des migrations mixtes (Mixed Migration Center, MMC), et en juillet 2020 par le Global Detention Project.

Recommandations : Les autorités mauritaniennes devraient veiller à ce que toute arrestation et détention de migrants soient effectuées dans le plein respect des procédures régulières, notamment avec des évaluations de cas individuels et des examens en fonction de l'âge et des besoins de protection. Le gouvernement devrait veiller à ce que les enfants soient orientés vers les services de protection de l'enfance appropriés et ne soient jamais placés en détention, et que la détention d'adultes migrants soit utilisée comme mesure exceptionnelle de dernier recours, lorsque cela est nécessaire et proportionné. Les détenus doivent recevoir une nourriture et des services adéquats et être traités décemment conformément à la dignité humaine. Les conditions des centres de détention doivent répondre aux normes internationales appropriées.

Afrique du Sud

Dans le cadre des tendances nationales persistantes de violence xénophobe et de discrimination à l'encontre des étrangers en Afrique du Sud (abordées à la Section V de cette soumission), la détention arbitraire et abusive de migrants s'est poursuivie ces dernières années. Un rapport de Human Rights Watch de septembre 2020 a documenté comment la police a effectué des descentes pour arrêter des non-ressortissants sans papiers, et dans certains cas a arrêté arbitrairement des personnes, même après qu'elles ont eu montré leurs papiers, afin de leur extorquer de l'argent. Dans plusieurs cas documentés, des policiers ont battu des migrants lors d'arrestations ou en détention. La détention de migrants par les autorités dans les cellules des postes de police et les centres d'expulsion a parfois violé les garanties d'une procédure régulière en leur refusant l'accès à des avocats, en ne les informant d'aucune accusation ou en ne les traduisant pas devant un tribunal dans le délai prescrit de 48 heures. Cela a entraîné des cas de détention prolongée, les autorités affirmant fréquemment avoir perdu ou égaré les documents ou les biens des migrants. Nous avons également documenté de mauvaises conditions de détention, notamment le surpeuplement dans des petites cellules, des mauvaises conditions d'hygiène et une nourriture inadéquate. Par exemple, deux migrants détenus au poste de police central de Johannesburg ont déclaré qu'ils n'étaient nourris que de deux tranches de pain et d'eau par jour et qu'ils étaient entassés avec plus de 100 personnes dans une cellule dont ils estimaient la superficie à 250 mètres carrés au maximum.

Recommandations : Le gouvernement sud-africain devrait ouvrir des enquêtes sur les abus commis contre les migrants par le Service de police sud-africain (South African Police Service, SAPS), notamment dans les contextes de force excessive et d'arrestations arbitraires lors de contrôles de papiers, de manquements à la procédure régulière entraînant une détention arbitraire et prolongée, et des conditions abusives et de traitement en détention. Les autorités devraient assurer une procédure régulière pour tous les migrants détenus, notamment en garantissant des contrôles judiciaires et l'accès à un conseil juridique.

Pour plus d’information, voir :

IV. Retours de migrants

Actions des États contrevenant à l'Objectif No 21 du PMM : « Faciliter un retour dans la sécurité et la dignité »

Cameroun

En 2020 et 2021, Human Rights Watch a documenté des arrestations et des détentions arbitraires, ainsi que d'autres abus commis par les autorités camerounaises à l'encontre de demandeurs d'asile camerounais à leur retour, après avoir été expulsés des États-Unis et de Bolivie (via le Panama). Un prochain rapport présentera nos conclusions sur le traitement des expulsés des États-Unis. Des articles de presse en 2020 ont également signalé des cas de détention arbitraire et d'abus à l’encontre de rapatriés.

Recommandations : Les actions du Cameroun contreviennent à ses engagements au titre de l'Objectif No 21 du PMM de « créer des conditions propices à la sécurité personnelle » des migrants de retour. Le gouvernement devrait donner des instructions à toutes les autorités responsables – police, gendarmes et militaires – pour qu'elles cessent immédiatement la détention arbitraire et le traitement abusif des demandeurs d'asile renvoyés. Il devrait veiller à ce que tous ces abus fassent l'objet d'enquêtes appropriées, en vue de garantir la justice.

Mauritanie

Dans le contexte de la répression par les autorités mauritaniennes de la migration irrégulière le long de la « route de l'Atlantique » vers les îles Canaries en Espagne, en plus de la détention arbitraire et abusive de migrants (voir Section III), Human Rights Watch a documenté des expulsions arbitraires et collectives de migrants vers les frontières terrestres du Mali en 2020 et 2021. La Mauritanie a expulsé plusieurs milliers de personnes de bon nombre de nationalités africaines, dont des enfants, au cours de cette période, selon les rapports de l'OIM et les entretiens de Human Rights Watch avec des travailleurs humanitaires, des associations de défense des droits des migrants et une douzaine de migrants expulsés au Mali. Les migrants ont déclaré avoir été expulsés en groupe et ont signalé un manque d’évaluation individuelle ou de procédure régulière . Nous évoquerons ces conclusions en détail ainsi que d'autres concernant les expulsions dans un prochain rapport. D'autres sources ont également fait état de préoccupations concernant les expulsions de la Mauritanie, notamment le rapport de MMC de février 2021 sur la route migratoire de l'Atlantique et des articles en 2020 par RFI, Info Migrants et El Pais.

Recommandations : Avant de procéder à la déportation ou à l’expulsion de quiconque, les autorités mauritaniennes devraient assurer une vérification individuelle du statut d'immigration et devraient garantir une procédure régulière, notamment par le biais d'examens judiciaires individuels. Le gouvernement devrait également cesser les expulsions d'enfants séparés ou non accompagnés et veiller à ce qu'ils soient orientés vers les services de protection de l'enfance appropriés.

Tanzanie

La Tanzanie a renvoyé de force des milliers de Mozambicains fuyant la violence dans la province septentrionale de Cabo Delgado en 2020 et 2021. En juin 2021, l'agence des Nations Unies pour les réfugiés, le HCR, a signalé que la Tanzanie avait renvoyé plus de 9 600 demandeurs d'asile mozambicains au poste frontière de Negomano depuis janvier 2021. Bon nombre fuyaient le conflit armé et l'insécurité dans la ville côtière de Palma, à la suite d'une attaque brutale de groupes armés non étatiques en mars 2021. En juin, près de 800 000 personnes étaient déplacées à l'intérieur de la province de Cabo Delgado. Notant que « chaque jour, des personnes fuient dans une quête désespérée de sécurité, tant au Mozambique que de l’autre côté de la frontière, en Tanzanie », le HCR a appelé la Tanzanie à mettre fin au refoulement des Mozambicains et à leur permettre d'accéder à l'asile. Il a déclaré que les personnes renvoyées de Tanzanie « se retrouvent dans une situation désespérée à la frontière et sont exposées à des violences sexistes et à des risques sanitaires », dont « beaucoup dorment en plein air dans un froid extrême. » Des articles de presse ont également allégué que la Tanzanie a expulsé ou renvoyé de force quelque 800 à 900 demandeurs d'asile mozambicains en septembre ou octobre 2020. Les recherches de Human Rights Watch soulignent les besoins de protection légitimes des Mozambicains fuyant Cabo Delgado vers la Tanzanie, car nous avons documenté la violence en cours dans le nord du Mozambique en 2021 et la détérioration de la situation des droits humains en 2020 en raison de l'aggravation du conflit dans le nord.

Par ailleurs, Human Rights Watch a documenté des retours contraints et forcés en cours de réfugiés et de demandeurs d'asile burundais par la Tanzanie en 2019 et 2020. En août 2020, les autorités tanzaniennes ont renvoyé de force huit Burundais à la suite de leur détention arbitraire et de leur torture. En juin 2021, ces huit personnes étaient toujours détenues au Burundi, dans l’attente de leur procès. En 2019, nous avons constaté que la peur de la violence et des arrestations arbitraires, les menaces d'expulsion par les autorités et la détérioration des conditions dans les camps de réfugiés avaient poussé un grand nombre de Burundais en Tanzanie à quitter le pays. En octobre 2019, les autorités tanzaniennes ont illégalement contraint plus de 200 demandeurs d'asile non enregistrés à retourner au Burundi en les menaçant de retirer leur statut légal.

Recommandations : Les retours forcés depuis la Tanzanie des demandeurs d'asile et des réfugiés mozambicains et burundais vers le danger violent les interdictions de refoulement et d'expulsions collectives en vertu du droit international et régional des réfugiés et des droits humains (voir Section VI). Le gouvernement devrait immédiatement cesser toutes les mesures de renvoi, les retours forcés et contraints, ainsi que les expulsions collectives, et devrait veiller à ce que les personnes ayant besoin de protection aient accès à l'asile.

Pour plus d’informations, voir :

V. Discrimination, xénophobie, accès aux services et à la documentation

Actions de l'État contrevenant à l'Objectif N°17 du PMM (« Éliminer toutes les formes de discrimination » et « condamner... les actes de… violence et de xénophobie visant tous les migrants et l'intolérance qui y est associée ») ; Objectif N°4 (« Munir tous les migrants d’une preuve d'identité légale et de papiers adéquats) ; et Objectif N°15 (« Assurer l’accès des migrants aux services de base »)

Afrique du Sud

Xénophobie, violence et discrimination : l'Afrique du Sud, avec une population de 59,6 millions de personnes, abrite environ 4,2 millions de migrants, réfugiés et demandeurs d'asile. En 2020 et 2019, il y a eu un grand nombre d’incidents de harcèlement xénophobe et d'attaques contre des migrants et des étrangers par des voyous et des membres ordinaires du public, ainsi que par des agents des forces de l'ordre. Dans l'ensemble du pays, les autorités ont largement omis de garantir la justice pour les violences xénophobes et ont agi de manière discriminatoire et abusive à l'encontre des non-ressortissants. Certains responsables ont exacerbé la xénophobie par des discours incitatifs, tandis que la police a utilisé des raids contre les produits de contrefaçon comme couverture pour cibler des magasins et des entreprises appartenant à des étrangers, battant les commerçants et saccageant leurs magasins. En coordination avec le ministère de l'Intérieur (Department of Home Affairs, DHA), la police a mené des « opérations de contrôles d’identité » abusives dans les zones où résident bon nombre de non-ressortissants, notamment en entrant dans les domiciles des étrangers pour vérifier les documents et le statut légal, tout en se livrant à des passages à tabac. La police a également procédé à des arrestations et détentions arbitraires et abusives de migrants, comme décrit dans la Section III de ce document.

Si l'adoption en mars 2019 d'un Plan d'action national (National Action Plan, NAP) pour lutter contre la xénophobie a marqué un pas en avant important, un rapport de Human Rights Watch de septembre 2020 a néanmoins documenté un grand nombre d’incidents xénophobes au cours de l'année qui a suivi l'adoption du NAP par le gouvernement. Il s'agit notamment de meurtres, de blessures graves, de déplacements forcés, de discrimination et d'obstacles à la justice et aux services de base, notamment l'éducation. Les problèmes identifiés comprenaient l'indifférence, le déni et l'approbation tacite des actions xénophobes par les autorités, ainsi que les obstacles à la représentation légale.

Documentation : Les migrants interrogés par Human Rights Watch ont également signalé des difficultés à obtenir et à renouveler des permis et des documents d'identification auprès du DHA afin de conserver leur statut légal. Bon nombre ont déclaré qu'ils avaient du mal à trouver des informations précises sur leurs options et à rester informés des changements de politique du DHA, et certains ont cité des incohérences dans l'application des politiques. Les demandeurs d'asile ont été confrontés à un arriéré massif de dossiers, d'appels et de renouvellements du DHA, obligeant certains à rester sans papiers pendant des années. Certains demandeurs d'asile ont déclaré que le fait d'avoir des papiers légaux ne faisait aucune différence, car la police les harcelait toujours, et les banques ou les hôpitaux refusaient souvent les permis qu'ils avaient eu du mal à renouveler.

Accès aux services : Les difficultés de documentation citées ci-dessus ont également eu un impact sur l'accès des migrants aux services publics de base, notamment l'éducation et les soins de santé. Un Congolais ayant la résidence permanente a déclaré qu'après que deux de ses enfants nés en Afrique du Sud ont reçu le statut de résident permanent, un employé du DHA lui a affirmé que la politique avait changé, et ses deux derniers enfants, nés en Afrique du Sud, ont reçu des certificats de naissance indiquant qu'ils sont « étrangers ». Les deux écoles publiques pour enfants les ont avertis d'acquérir des documents d'identité sans le mot « étranger » pour poursuivre l'inscription, mais l'homme a déclaré que le DHA lui avait dit qu'il n'y avait pas d'autres formes de documents pour ses enfants. Un demandeur d'asile vivant en Afrique du Sud depuis 17 ans a indiqué que même s'il renouvelle régulièrement son permis, son statut apparaît comme frauduleux en raison d'une erreur administrative. « Je ne peux rien faire. Ils m'ont volé ma vie », a-t-il déclaré.

Pendant la pandémie de Covid-19, l'Afrique du Sud a connu l'un des taux de cas confirmés et de décès les plus élevés du continent, avec plus de 1,9 million de cas et 59 000 décès connexes signalés à juin 2021. Suite à la première livraison de vaccins Covid-19, Le président Cyril Ramaphosa a déclaré que son gouvernement visait « à mettre le vaccin à la disposition de tous les adultes vivant en Afrique du Sud, indépendamment de leur citoyenneté ou de leur statut de résidence ». Cependant, ses remarques contrastaient avec une déclaration du ministre de la Santé, le Dr Zweli Mkhize, selon lequel seuls les citoyens sud-africains enregistrés seraient qualifiés pour recevoir le vaccin. Les autorités sud-africaines ont l'obligation de respecter pleinement le droit à la santé de toute personne à l'intérieur de leurs frontières, sans discrimination, quel que soit le statut migratoire ou la nationalité. Cela devrait inclure la garantie d'un accès équitable aux vaccins Covid-19 ainsi qu’aux soins connexes pour les migrants, les demandeurs d'asile et les réfugiés avec et sans papiers, conformément au plan de déploiement des vaccins pour les autres habitants du pays.

Recommandations : Le gouvernement sud-africain devrait accroître l'urgence avec laquelle il répond à la violence et à la discrimination contre les migrants et les non-ressortissants. Surtout, il devrait faire en sorte que les auteurs de harcèlement et d'attaques xénophobes rendent des comptes et garantir la justice pour les victimes. Les mesures potentielles pour ce faire incluent la création d'une ligne d'assistance téléphonique(« numéro vert ») pour signaler les incidents xénophobes, et la normalisation de la manière dont les cas de xénophobie sont enregistrés et traités. Le président Ramaphosa devrait mettre pleinement en œuvre le NAP, notamment en formulant des éléments et des objectifs réalisables qui reflètent la discrimination et les inégalités en cours. La xénophobie doit être reconnue comme se manifestant non seulement par de la violence, mais également par une discrimination à l'encontre des migrants et des obstacles à l'accès à l'emploi, à l'éducation, aux soins de santé ainsi qu’au logement. Dans le cadre de la riposte nationale au Covid-19, les autorités devraient garantir la non-discrimination dans les plans de riposte et la distribution des vaccins, lancer des campagnes de sensibilisation et d'information afin que les individus sachent quand ils sont éligibles et comment accéder à un vaccin, et veiller à ce que les migrants sans papiers puissent voyager en toute sécurité vers les centres de vaccination.

Pour plus d'informations, voir :

VI. Obligations légales

Détention

Le droit régional et international des droits humains, notamment la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples (CADHP) et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), interdit les arrestations et détentions arbitraires. La détention sans procédure régulière ou sans garanties procédurales adéquates est arbitraire. Les migrants en situation irrégulière ne devraient pas être détenus si leur détention n'est pas nécessaire et proportionnée pour atteindre un objectif légitime et licite. S'il n'existe aucune perspective réaliste de déporter légalement une personne détenue, notamment parce qu'elle s'exposerait à un danger dans son pays, ou si la personne n'est pas en mesure de contester son expulsion, la détention est arbitraire.

Les migrants ne devraient être placés en détention administrative qu'à titre individuel, dans le plein respect des droits à une procédure régulière et des garanties procédurales, pour la période la plus courte possible, et uniquement comme mesure exceptionnelle de dernier recours. Pendant leur détention, ils devraient pouvoir communiquer avec leur famille et avoir accès à l'agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et aux missions consulaires. Les conditions de détention et le traitement doivent être pleinement conformes aux normes internationales des droits humains, notamment l'interdiction des traitements inhumains et dégradants. Le Cadre de politique migratoire pour l'Afrique (Migration Policy Framework for Africa, MPFA) de l’UA appelle les États à « veiller à ce que les migrants détenus par les autorités publiques soient traités de manière humaine et équitable... et bénéficient de toute protection juridique applicable, ... l'accès à leurs consulats et la protection contre la détention arbitraire ».

Des organisations internationales telles que le Sous-comité des Nations Unies pour la prévention de la torture ont appelé à plusieurs reprises les gouvernements à libérer les migrants détenus. Les autorités devraient s'efforcer d'assurer la libération immédiate des immigrés détenus sans perspective prévisible de déportation, en atténuant les risques grâce à des alternatives à la détention. Les États ne devraient pas détenir d'enfants pour des raisons liées à l'immigration et ils sont tenus de fournir des soins appropriés aux enfants non accompagnés. Les normes internationales des droits humains stipulent que la détention liée à l'immigration n'est jamais dans le meilleur intérêt de l'enfant et devrait être interdite en raison de ses effets néfastes. Le MPFA appelle les États à « mettre fin à la détention des enfants migrants... et à mettre en place des alternatives à la détention qui soient dans le meilleur intérêt des enfants ».

Retours forcés, expulsions collectives et mesures de renvoi

Le principe de non-refoulement – ​​en vertu des conventions de l’OUA (convention africaine) et des Nations Unies sur les réfugiés, de la Convention contre la torture, du PIDCP et du droit international coutumier – interdit le retour de toute personne vers un endroit où elle serait exposée à un risque réel de menaces pour sa vie ou sa liberté, la torture ou d'autres atteintes graves, les disparitions forcées ou d'autres violations graves des droits humains.[1] Les affirmations de toute personne exprimant de telles craintes doivent être examinées dans le cadre de procédures complètes et équitables avant toute mesure de renvoi.

L'article 2 de la Convention de l'OUA sur les réfugiés porte sur « le refus d’admission à la frontière, le refoulement ou l’expulsion », tandis que l'article 33 de la Convention des Nations Unies sur les réfugiés interdit le refoulement des réfugiés « de quelque manière que ce soit ». L'interdiction du retour forcé s'applique également aux demandeurs d'asile qui ne sont pas encore officiellement reconnus comme réfugiés. Les gouvernements ne doivent pas recourir à la violence ou à la menace de violence ou de détention pour contraindre les personnes à retourner dans des endroits où elles risquent d'être maltraitées. Le Comité des droits de l'enfant des Nations Unies a noté dans son Observation générale N° 5, para. 27, que les États parties à la Convention relative aux droits de l'enfant de 1989 « sont... tenus de ne pas renvoyer un enfant dans un pays s’il y a des motifs sérieux de croire que cet enfant sera exposé à un risque réel de dommage irréparable ».

Les expulsions collectives sont interdites par le droit régional africain et comme principe du droit international général.[2] L'article 12(5) de la CADHP interdit les expulsions massives visant des groupes nationaux, raciaux, ethniques ou religieux. Le Comité des droits de l'homme des Nations Unies a déclaré que l'article 13 du PIDCP « ne serait pas satisfait des lois ou des décisions prévoyant des expulsions collectives ou massives »[3], et les expulsions collectives sans examen de cas individuel sont également interdites par la Convention des Nations Unies sur les travailleurs migrants.

Le Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits humains des migrants a défini les « renvois » comme celles « qui font que les migrants, y compris les demandeurs d’asile, sont sommairement contraints de retourner, sans que leurs besoins individuels en matière de protection des droits de l’homme soient évalués », ce qui peut englober des « pratiques qui peuvent être employées à la fois avant et après l’entrée sur le territoire d’un État. » Il a déclaré que « les mesures de renvoi dénient aux migrants leurs droits fondamentaux en les privant de l’accès à la protection prévue par le droit international et le droit national ainsi que des garanties procédurales. »[4]

Traite des personnes

Les violations de droits humains sont à la fois une cause et une conséquence de la traite des êtres humains, ce qui rend la promotion et la protection des droits humains particulièrement pertinentes pour la lutte contre celle-ci. La traite des personnes peut violer les interdictions légales contre l'esclavage, le travail forcé ou en servitude, la torture ou les peines ou traitements cruels, inhumains, dégradants, et la violence sexiste. Elle peut également violer le droit des enfants à une protection spéciale, et les droits fondamentaux à la liberté et à la sécurité, à la liberté de mouvement, à la santé ainsi qu’à un niveau de vie adéquat, entre autres. Ces droits sont énoncés dans le PIDCP ; la CADHP ; le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) ; la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant ; et la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant.

Discrimination

La CADHP, le PIDCP et le PIDESC contiennent des clauses de non-discrimination prévoyant que les États doivent garantir à toutes les personnes les droits et libertés énumérés dans chaque instrument sans distinction pour quelque raison que ce soit de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique ou autre, d’origine nationale ou sociale, de naissance ou autre statut, de fortune (CADHP) ou de patrimoine (PIDCP et PIDESC), ou de groupe ethnique (CADHP).

L'article 1 de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale (ICERD) définit la « discrimination raciale » comme « toute distinction, exclusion, restriction ou préférence », ce qui « peut être fondée sur la race, la couleur, l’ascendance ou l’origine nationale ou ethnique », « ayant pour but ou pour effet d’annuler ou de restreindre la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice, sur un plan d’égalité, d’un ou de plusieurs droits de la personne et libertés fondamentales consacrés dans les instruments internationaux applicables aux États parties ». Lorsque les politiques et pratiques conduisent à une telle discrimination indirecte, les États parties sont tenus de les modifier pour éliminer l'impact discriminatoire. L'article 2 de l'ICERD exige des gouvernements qu'ils prennent par tous les moyens appropriés et sans délai des mesures pour éliminer la discrimination raciale.

Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale, dans sa Recommandation générale N° 30 sur la discrimination à l'égard des non-ressortissants, a déclaré que les États sont tenus de garantir l'égalité entre les citoyens et les non-ressortissants dans la jouissance des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels dans la mesure où ils sont reconnus par le droit international.

[1] Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits humains des migrants (Felipe González Morales), « Rapport sur les moyens de répondre aux conséquences pour les droits de l’homme des mesures de renvoi de migrants sur terre et en mer », 12 mai 2021, UN doc. A/HRC/47/30, https://undocs.org/fr/A/HRC/47/30, para. 41.

[2] Ibid., para. 40, citant le mémoire de l'intervenant déposé par le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme auprès de la Cour européenne des droits de l'homme, dans N.D. and N.T. v. Spain (applications Nos. 8675/15 et 8697/15), paras. 7–11.

[3] Traduction non-officielle de Human Rights Watch. Comité des droits de l'homme de l'ONU, Observation générale No. 15 (1986), para. 10.

[4] Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits humains des migrants, « Rapport sur les moyens de répondre aux conséquences pour les droits de l’homme des mesures de renvoi de migrants sur terre et en mer », mai 2021, paras. 34-36.

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