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Des femmes afghanes ayant fui leur province dans le nord du pays, photographiées parmi des tentes mises en place dans un parc public à Kaboul, Afghanistan, le vendredi 13 août 2021. Deux jours plus tard, le dimanche 15 août, les talibans ont saisi le contrôle de la capitale. ©2021 AP Photo/Rahmat Gul

1 novembre 2021

Le très honorable Justin Trudeau
Premier Ministre du Canada

L’honorable Sean Fraser
Ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté

L’honorable Mélanie Joly
Ministre des Affaires étrangères

Appel urgent à l’action en réponse à la crise afghane

La population canadienne a accueilli avec unanimité l’annonce que le Canada allait admettre et réinstaller les Afghans qui ont aidé la mission canadienne ainsi que les Afghans vulnérables. Cette réponse positive reflète ce que les Canadiennes, les Canadiens ont de meilleur; c’est aussi la bonne chose à faire. Nous continuerons à défendre celles et ceux qui sont désormais sans protection dans l’Afghanistan des talibans, les femmes juges, les journalistes, les femmes en position d’autorité, les personnes LGBTI, les minorités religieuses et les défenseurs des droits de la personne. En tant que Canadiennes et Canadiens, c’est notre nature, ce que nous sommes, ce que nous devons nous efforcer d’être.

On ne peut nier la complexité des difficultés auxquelles le Canada fait face depuis la chute de Kaboul. On ne peut non plus échapper à la tragédie humaine qui s’est déroulée autour de l’aéroport et qui se poursuit encore aujourd’hui.

Nous vous écrivons en tant qu’individus et organisations profondément impliqués dans la réponse du Canada à la crise afghane, notamment au nom de celles et ceux qui participent aux efforts d’évacuation des personnes vulnérables hors de l’Afghanistan pour les faire venir au Canada. Il s’agit des personnes les plus exposées à la violence et aux représailles à la suite de la prise du pouvoir par les talibans à la mi-août 2021.

Toutefois, malgré les efforts collectifs des signataires, et malgré l’identification de ces personnes vulnérables dans le cadre du Programme spécial d’immigration et du Programme humanitaire spécial du Canada, peu d’Afghans identifiés « à risque » ont été évacués au Canada. Un très grand nombre d’entre eux demeurent en grave danger.

Très souvent, les talibans recherchent activement ces personnes : leur temps est compté. Leur évacuation en toute sécurité et leur réinstallation au Canada se sont avérées difficiles pour plusieurs raisons, dont certaines, cependant, dépendent du Canada.

Premièrement, la définition des personnes admissibles au Programme spécial d’immigration du Canada et à une réinstallation au Canada comme réfugiées manque de clarté. Deuxièmement, la capacité de traitement est insuffisante pour répondre à l’ampleur et à l’urgence de la situation actuelle. Enfin, en travaillant avec ses alliés, le Canada peut exercer le pouvoir dont il dispose collectivement pour faire pression sur les talibans dans le but que ceux-ci autorisent les personnes à risque à quitter l’Afghanistan en toute sécurité.

Pour commencer, les signataires souhaitent préciser qu’ils tiennent en très haute estime les fonctionnaires canadiens avec lesquels ils ont travaillé. Sans exception et en tout temps, ces fonctionnaires, ainsi que les membres du personnel politique impliqués ont fait preuve d’un engagement sans faille pour obtenir une réponse humaine et rapide. Ils ont mis la main à la pâte et n’ont ménagé aucun effort. Mais le pouvoir des fonctionnaires a ses limites. Il arrive un moment où un leadership politique s’impose, et où seule une direction ministérielle détient l’autorité nécessaire pour faire avancer les choses.

Maintenant que le nouveau Cabinet est nommé, le moment est venu d’exercer ce leadership. Les signataires demandent ainsi au premier ministre Trudeau, à Sean Fraser, ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté du Canada, et à Mélanie Joly, ministre des Affaires étrangères, de s’attaquer de toute urgence aux quatre grands problèmes suivants, qui doivent être résolus si le Canada veut atteindre son objectif, à savoir assurer l’évacuation sûre et rapide hors de l’Afghanistan des personnes vulnérables ciblées dans le cadre des programmes spéciaux du Canada.

  1. Clarifier la politique du Canada et en définir les termes

« Aide au Canada ». En juillet 2021, le Canada a annoncé la mise en place d’un programme destiné aux Afghans qui ont aidé le Canada et s’est engagé à protéger les personnes ayant fait la preuve d’une « relation importante et/ou durable avec le gouvernement du Canada ». Le Canada a établi des procédures simples pour présenter une demande, grâce auxquelles le passage de ces personnes en toute sécurité hors de l’Afghanistan serait facilité.

Le Canada a annoncé qu’il interpréterait le concept d’« aide au Canada » de manière large. Pourtant, il reste difficile de savoir qui est admissible.

Le Canada doit clarifier sa politique entre Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) et Affaires mondiales Canada. Il doit également continuer à interpréter les termes de manière large pour respecter l’esprit du programme annoncé en juillet 2021.

Catégories acceptées. En août 2021, le Canada a lancé un deuxième programme destiné aux Afghans vulnérables, entre autres les femmes en position d’autorité, les défenseurs des droits de la personne, les minorités religieuses ou ethniques persécutées, les personnes LGBTI et les journalistes qui ont aidé des journalistes canadiens.

En l’absence d’une antenne de l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés en Afghanistan, le Canada a eu la sagesse de désigner d’autres organisations présentes sur place – Frontline Defenders et Protect Defenders – pour aider les personnes évacuées. Les signataires savent que l’intention de ces partenaires de recommandation consiste à créer un système équitable et transparent pour le traitement sur le terrain, en Afghanistan. Cependant, ces organisations ont leur propre mandat; elles concentrent essentiellement leurs activités sur les « défenseurs des droits de la personne », ce qui réduit considérablement le mandat autrement plus large des programmes du Canada.

Une fois de plus, le manque de clarté s’est avéré frustrant et a entravé les progrès de nombres d’intervenants qui tentent de s’orienter dans le système. Le Canada doit définir clairement qui sont les personnes pouvant faire une demande par l’entremise de ses programmes spéciaux ou de ses partenaires de recommandation.

De plus, le Canada doit chercher à établir des partenariats avec d’autres organisations sur le terrain, en Afghanistan, pour s’assurer que les personnes qui répondent par ailleurs aux critères d’admissibilité des programmes spéciaux puissent être identifiées, et leur dossier, traité.

  1. Attribuer les considérables ressources nécessaires à l’accomplissement de la tâche et octroyer un pouvoir discrétionnaire aux décideurs, le cas échéant

Le travail en Afghanistan est urgent et exige beaucoup de temps. Recevoir les dossiers, les étudier, prendre des décisions, communiquer avec les demandeurs, les parties concernées et leurs représentants ne sont pas des activités qui se traitent comme des « affaires courantes ». Il faut augmenter considérablement et sur-le-champ les ressources humaines nécessaires pour permettre aux fonctionnaires canadiens de traiter les dossiers et de recevoir le grand nombre de personnes qui ne peuvent attendre que leurs documents soient analysés « selon le cours normal des choses ». Certes, les signataires sont tout à fait conscients que certaines ressources additionnelles ont déjà été allouées à ce portefeuille; pourtant, la situation en Afghanistan exige davantage, de toute urgence, notamment du personnel de traitement complémentaire. De plus, le Canada doit permettre à ses agents de prendre au besoin des décisions discrétionnaires pour accélérer le traitement des dossiers.

  1. Renoncer à l’exigence de reconnaissance de l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés et reconnaître la crise afghane comme une situation de réfugiés prima facie

Nous demandons au gouvernement de renoncer à l’exigence de reconnaissance de l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés quant aux ressortissants afghans qui se réinstallent par l’entremise d’un parrainage privé. Nous demandons également aux ministres de reconnaître la crise afghane comme une situation de réfugiés prima facie.

  1. En collaboration avec les alliés, exiger des garanties auprès des talibans

Le Canada et ses alliés doivent exercer toutes les pressions possibles pour obtenir des garanties de la part des talibans. Nous demandons au Canada d’exercer son influence internationale de concert avec des pays aux vues similaires pour faire pression sur les talibans afin que ceux-ci autorisent les personnes à risque à quitter l’Afghanistan en toute sécurité. Le Canada doit continuer à chercher à obtenir l’assurance que toutes les personnes qui se qualifient dans le cadre de ses programmes seront autorisées à quitter l’Afghanistan en toute sécurité. Plutôt que d’agir seul, le Canada doit s’adjoindre des alliés et les instances qui partagent ses vues pour obtenir ces garanties. C’est là un outil essentiel dont dispose le Canada pour aider les personnes désespérées qui lui tendent quotidiennement la main et qui relèvent du mandat que le Canada a accepté dans le cadre de ses programmes humanitaires et d’immigration spéciaux.

Conclusion

Monsieur le Premier Ministre, Madame et Messieurs les Ministres, cette situation urgente exige une réponse immédiate, multiforme et ciblée. Les Afghans en danger, comme les femmes juges, se cachent et sont activement poursuivis par des prisonniers libérés, des responsables talibans et ISIS-Khorosan. L’Afghanistan sombre dans une crise de plus en plus profonde où des individus sont laissés à la merci des talibans, souvent sans avoir la capacité de satisfaire leurs besoins de subsistance de base.

De plus, les signataires demandent au Canada de clarifier et de respecter son engagement d’adopter une interprétation élargie de la définition des personnes qui ont « aidé » le Canada et ses alliés en Afghanistan, et de soutenir – de manière concrète, pratique et immédiate – celles et ceux qui nous ont aidés. Nous demandons aussi au Canada de clarifier et de tenir sa promesse d’adopter une interprétation élargie de la définition des catégories acceptées dans le cadre du Programme humanitaire spécial, entre autres les femmes en position d’autorité, les défenseurs des droits de la personne, les minorités religieuses ou ethniques persécutées, les personnes LGBTI et les journalistes qui ont aidé des journalistes canadiens.

Quelques jours seulement après le début du mandat du nouveau Cabinet, ses membres sont appelés à faire face à cette crise. Et les moments de crise offrent parfois des occasions extraordinaires. Ils nous invitent à révéler notre véritable nature. L’évacuation efficace et sûre des personnes vulnérables hors de l’Afghanistan contribuera à illustrer les valeurs et les priorités du gouvernement nouvellement élu. Elle démontrera également la compassion et l’humanité de la population canadienne, tout en faisant appel à une responsabilité collective.

Alors que le nouveau Cabinet entame son indispensable travail, nous attendons avec impatience une réponse satisfaisante à cette lettre. Nous nous engageons à faire tout ce qui est en notre pouvoir pour aider le gouvernement à atteindre ces objectifs vitaux.

Sincerely,

Lloyd Axworthy, Fen Osler Hampson, The Honourable Ratna Omidvar, Allan Rock, World Refugee & Migration Council

Asma Fairzi, Adeena Niazi, Afghan Women’s Organization Refugee and Immigrant Services

Ketty Nivyabandi, Amnesty International Canada

Stephanie Valois, Association québécoise des avocats et avocates en droit de l'immigration

Aviva Bassman, Canadian Association for Refugee Lawyers

Ibrahim Mohebi, Canadian Hazara Humanitarian Services

Farida Deif, Human Rights Watch

Sally Armstrong, Wendy Cukier, Hila Taraky, Lifeline Afghanistan

Rachel Pulfer, Journalist for Human Rights

Warda Shazadi Meighen, Erin Simpson, Jacqueline Swaisland, Landings LLP

Grace Westcott, Peter Showler, PEN Canada

Kimahli Powell, L.L.D (Hons) Rainbow Railroad

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