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Kazakhstan : Annuler l'ordre de « tirer sans sommation »

Les forces nationales et étrangères doivent respecter les droits des citoyens, et il faut enquêter sur les meurtres de manifestants

Ces policiers anti-émeute avançaient dans une rue à Almaty, au Kazakhstan, le 5 janvier 2022, afin d’y bloquer l’accès pour des manifestants. © AP Photo/Vladimir Tretyakov

(New York, le 7 janvier 2021) – Le gouvernement du Kazakhstan devrait immédiatement annuler l’ordre donné aux forces de sécurité de tirer pour tuer sans sommation, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui. Tout ordre de ce type viole les obligations juridiques internationales du Kazakhstan de respecter et de protéger le droit à la vie.

Cet ordre a été donné alors que les forces de sécurité nationales et des troupes étrangères, majoritairement russes, de l'Organisation du traité de sécurité collective (OTSC) étaient déployées en réponse à une vague de manifestations antigouvernementales menées à travers le pays depuis plusieurs jours. Les manifestations ont été accompagnées d’une flambée de violence à Almaty, la plus grande ville du pays. La police et les forces armées devraient faire tout leur possible pour protéger la vie humaine et ne devraient utiliser la force, en particulier la force meurtrière, qu'en dernier recours. Les autorités compétentes devraient veiller à ce que toute allégation d'abus et d'homicides illégaux fasse rapidement l'objet d'enquêtes indépendantes et rigoureuses.

« Le Kazakhstan traverse sa crise la plus violente depuis son accession à l'indépendance, sous le regard d’observateurs mondiaux qui souhaiteraient que le gouvernement respecte les droits fondamentaux des citoyens », a déclaré Letta Tayler, directrice adjointe de la division Crises et des conflits à Human Rights Watch. « Il est crucial que les autorités kazakhes veillent à ce que tous les membres des forces de sécurité sur le terrain agissent de manière à protéger la vie humaine, et que ceux qui ne le font pas soient tenus responsables de leurs actes. Le premier pas devrait être l'annulation immédiate de l’ordre de tirer sans avertissement”. »

Le président Kassym-Jomart Tokaïev a annoncé dans un discours télévisé le 7 janvier qu'il avait « donné l'ordre de tirer pour tuer sans sommation ». Le 6 janvier, un jour après que les forces de sécurité kazakhes eurent organisé une opération de police pour tenter de rétablir l'ordre à Almaty, des sources officielles ont rapporté que des « dizaines » de manifestants et au moins 18 policiers avaient été tués, et plus de 1 000 personnes blessées. Des séquences vidéo examinées par Human Rights Watch montrent des forces de sécurité tirant à balles réelles tandis que d'autres images montrent des corps de personnes en tenue civil ayant reçu une balle dans la tête, et qui semblaient être mortes.

Des manifestations ont commencé le 2 janvier à Zhanaozen, une ville pétrolière de l'ouest du Kazakhstan, contre une forte augmentation des prix du gaz. Le 4 janvier, des milliers de manifestants pacifiques dans d'autres régions du pays s'étaient joints à eux, exigeant des réformes socio-économiques et politiques en retard. Les autorités kazakhes restreignent depuis longtemps les droits fondamentaux et rejettent les appels à de véritables réformes telles que la levée des restrictions aux manifestations pacifiques et à la liberté d'expression et l'interdiction des groupes d'opposition, et la fin des poursuites à motivation politique contre les détracteurs du gouvernement.

Le 5 janvier, le président Tokaïev a accepté la démission de son gouvernement et rétabli un plafonnement des prix du gaz en réponse aux manifestations. Mais il a également imposé un état d'urgence national, y compris une interdiction des rassemblements de masse, et a bloqué à plusieurs reprises Internet, créant un vide d'informations dans de nombreuses régions du pays. Tout blocage de l'accès à Internet et d'autres formes de communication, que le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies avait déjà condamné en 2016, devrait être immédiatement annulé, a déclaré Human Rights Watch. De telles restrictions violent non seulement la liberté d'expression et d'association, elles entravent aussi l'accès aux soins de santé, à l'éducation et aux services sociaux.

Dans l'après-midi du 5 janvier, la police a tenté de disperser des manifestations pacifiques à Almaty à l'aide de gaz lacrymogènes et de grenades assourdissantes et a utilisé un canon à eau à Aktobe. Dans ces deux villes, un certain nombre de manifestants ont réagi en lançant des pierres contre des policiers et en saisissant des véhicules de police.

Ce soir-là, des personnes en civil ont commencé à attaquer des policiers et ont saisi plusieurs bâtiments étatiques et publics à Almaty, dont l'hôtel de ville et l'aéroport international, causant d'importants dégâts. Ils ont également incendié de nombreux bâtiments et voitures. Des vidéos et des photographies sur les réseaux sociaux, ainsi que des déclarations officielles, indiquent que des personnes non identifiées se sont livrés au pillage dans divers quartiers de la ville.

Aux premières heures du 6 janvier, le président Tokaïev a qualifié les manifestations et les émeutes d'« actes d'agression » et a demandé l'aide de l'OTSC, une alliance de sécurité de six pays de la région, pour répondre aux « gangs terroristes […] qui ont suivi une formation à l'étranger ». Il n'a toutefois fourni aucune preuve de ses affirmations. Quelques heures plus tard, le Premier ministre arménien Nikol Pashinyan, qui préside actuellement l'OTSC, a annoncé qu'il déploierait une force militaire de « maintien de la paix ». Peu après, les médias ont indiqué que cette force serait composée d'au moins 3 000 parachutistes russes et de troupes de Biélorussie, du Tadjikistan, du Kirghizistan et d'Arménie.

Le ministère de l'Intérieur du Kazakhstan a déclaré le 7 janvier que 3 811 personnes avaient été arrêtées. Quelques heures plus tôt, le bureau du procureur général avait annoncé avoir ouvert des enquêtes préliminaires sur « terrorisme » et « organisation et participation à des émeutes de masse », ajoutant que les peines pour ces crimes vont de huit ans de prison à perpétuité, avec privation de nationalité.

On ignore où et dans quelles conditions les détenus sont détenus, ou s'ils ont accès à une représentation légale. Les autorités devraient veiller à ce que toutes les personnes détenues ces derniers jours bénéficient du droit à une procédure régulière, y compris l'accès à un avocat de leur choix, a déclaré Human Rights Watch.

Pendant des années, les autorités kazakhes ont utilisé des lois et des mesures vagues et excessives portant sur le « terrorisme » et « l'extrémisme » pour restreindre arbitrairement la liberté d'expression et la dissidence pacifique.

Les reportages faisant état de nombreux morts et blessés – tout comme le terme « terroristes employé par le gouvernement kazakh pour décrire les manifestants – suscitent des craintes quant à un usage excessif de la force par la police et l'armée nationales, y compris contre des personnes non armées, a déclaré Human Rights Watch.

Communiqué complet en anglais : en ligne ici.

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Articles

Le Point/AFP    BFMTV

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Correction

Une version antérieure de ce communiqué indiquait que le Premier ministre arménien Nikol Pashinyan avait divulgué la composition de la force de l'OTSC le 5 janvier. En fait, la composition de cette force a été rapportée par les médias quelques heures plus tard, comme l’indique la version rectifiée de ce communiqué ci-dessus.

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