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Bélarus: « Purge » de la société civile

Les autorités ciblent des journalistes indépendants, des activistes, des défenseures des droits humains, des avocates

La journaliste bélarussienne Katsiaryna Andreyeva (à droite) serre sa collègue Daria Chultsova dans les bras, dans la cage servant de box des accusés, lors de leur procès à Minsk, au Bélarus, le 18 février 2021. © 2021 AP

(Berlin) – Les autorités du Bélarus ont orchestré une campagne de répression sans précédent contre la société civile à la suite des manifestions pacifiques qui se sont déroulées dans l’ensemble du pays au printemps et à l’été 2020, a déclaré aujourd’hui Human Rights Watch dans son Rapport mondial 2022.

En 2021, le gouvernement du Bélarus s’est acharné contre les activistes politiques et civiques, les journalistes indépendants et les défenseur·e·s des droits humains, recourant, à leur encontre, à des campagnes de dénigrement, à des poursuites pénales à caractère politique et à de mauvais traitements en détention. À la mi-novembre, au moins 884 personnes étaient derrière les barreaux sur la base d’accusations criminelles fallacieuses, selon le principal groupe de défense des droits humains Viasna.

« L’année dernière, les autorités du Bélarus ont mené une purge implacable de la société civile », a déclaré Hugh Williamson, directeur de la division Europe et Asie centrale de Human Rights Watch. « Malgré la répression brutale, les défenseur·e·s des droits humains et les journalistes ont poursuivi courageusement leur travail, sur place et en exil. »

Une jeune femme qui avait participé à des manifestations contre la junte au Myanmar tient des roses alors que sa mère la serre dans ses bras, peu après sa libération après trois semaines d’emprisonnement à Yangon.

Le Rapport mondial 2022 de HRW examine les pratiques en matière de droits humains dans plus de 100 pays.

Version FR (abrégée)

Dans son Rapport mondial 2022, dont c’est la 32e édition et qui compte 752 pages, Human Rights Watch examine les pratiques en matière de droits humains dans près de 100 pays. Kenneth Roth, son Directeur exécutif, y remet en question l’idée reçue selon laquelle l’autocratie serait en plein essor. Récemment, dans divers pays, de nombreuses personnes sont descendues dans la rue malgré le risque d’être arrêtées ou de se faire tirer dessus, preuve que l’attrait de la démocratie reste fort. Dans le même temps, les autocrates ont de plus en plus de mal à manipuler les élections en leur faveur. Pour Kenneth Roth, il n’en reste pas moins que les dirigeants démocrates doivent faire plus encore pour relever les défis au niveau national et mondial, et s’assurer que la démocratie tienne ses promesses.

Tout au long de l’année 2021, le gouvernement du Bélarus a intensifié ses représailles contre les organisations de défense des droits humains pour le travail qu’elles effectuent. Les défenseur·e·s des droits humains et leurs proches ont enduré à répétition des fouilles intrusives, des détentions arbitraires, parfois dans des conditions inhumaines, des passages à tabac, des interrogatoires, des campagnes de dénigrement et du harcèlement. .

Des dizaines de défenseur·e·s, dont sept activistes de Viasna, ont été emprisonnés sur la base d’accusations montées de toutes pièces. En novembre, un tribunal de Gomel a condamné le directeur de la branche locale de Viasna, Leanid Sudalenka, et une bénévole, Tatsiana Lasitsa, respectivement à trois ans et deux ans et demi de prison, pour « organisation et financement » d’actions « troublant gravement l’ordre public ».

De juillet à mi-novembre, les autorités ont procédé au démantèlement de près de 300 groupes œuvrant pour la défense de divers droits humains, y compris les organisations les plus importantes du pays.

L’Association bélarussienne des journalistes a comptabilisé plus de 100 cas de détention arbitraire de journalistes en 2021. Les autorités ont fait un usage excessif de la force envers les professionnel·le·s des médias en détention et les tribunaux ont prononcé à leur encontre des condamnations à des amendes et à des arrestations administratives. En novembre, quatre journalistes avaient été condamnés à la prison et au moins 26 professionnel·le·s des médias demeuraient derrière les barreaux sur la base d’accusations criminelles fallacieuses, pour avoir couvert des manifestations publiques et mis à jour des exactions.

Les autorités se sont attaquées à des personnes pour avoir porté ou arboré le motif blanc-rouge-blanc caractéristique de l’opposition. Les forces de l’ordre ont procédé à des arrestations arbitraires, usant parfois d’une force excessive. Des centaines de personnes ont subi des amendes administratives, des arrestations administratives et des accusations criminelles.

De plus, les autorités ont continué de poursuivre en justice des membres et des partisans de l’opposition politique dont l’arrestation datait d’avant l’élection présidentielle de 2020, mais aussi celles et ceux placés en détention après le scrutin.

Le ministère de la Justice a révoqué arbitrairement la licence d’au moins 32 avocat·e·s ayant assuré la défense de dirigeant·e·s de l’opposition politique et de manifestant·e·s pacifiques envoyés en prison pour des affaires criminelles montées de toutes pièces. Les avocat·e·s ont également enduré des accusations criminelles et administratives à caractère politique, des perquisitions et du harcèlement.

En mai, l’Union européenne a imposé des sanctions au Bélarus après que les autorités bélarussiennes ont forcé un vol RyanAir à atterrir à Minsk et ont arrêté un éminent militant de l’opposition, Roman Protassevitch, et sa petite-amie, Sofia Sapega. En représailles, les autorités bélarussiennes ont volontairement autorisé des personnes migrantes originaires du Moyen-Orient à venir au Bélarus en leur délivrant des visas touristiques, et leur ont ensuite permis d’atteindre les frontières avec la Pologne, la Lituanie et la Lettonie, leur refusant toutefois la possibilité de revenir à Minsk.

Des milliers de personnes se sont ainsi retrouvées bloquées dans les limbes le long des frontières bélarussiennes, dans des conditions violant leurs droits et mettant leur vie en danger. Repoussées par les pays de l’UE limitrophes, nombre d’entre elles ont ensuite été détenues par les gardes-frontières bélarussiens, maltraitées et forcées à retenter de franchir la frontière. Ces personnes ont passé plusieurs jours ou semaines dehors, le long des frontières, sans abri ni accès à des services humanitaires de base, notamment à de la nourriture ou à de l’eau, ce qui a engendré des morts, de l’hypothermie et d’autres maladies et blessures. L’UE et ses États membres sont aussi responsables que le Bélarus des traitements abusifs imposés aux personnes piégées dans cet environnement.

« Les autorités du Bélarus devraient mettre fin à tous les abus commis contre les personnes migrantes et permettre l’accès des organisations humanitaires pour venir en aide aux personnes dans le besoin », a conclu Hugh Williamson. « Les autorités du Bélarus devraient examiner équitablement les demandes d’asile de toutes les personnes en faisant la demande, et enquêter sur les abus commis contre les personnes migrantes par les gardes-frontières bélarussiens, pour veiller à ce que les responsables soient punis. »

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2023

 

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