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États-Unis : De lents progrès en faveur des droits humains

Les belles déclarations sont toutefois contredites par la réalité du racisme systémique et des abus envers les demandeurs d’asile

Hughes Van Ellis (à gauche), un survivant du massacre racial de Tulsa et ancien combattant de la Seconde Guerre mondiale, et Viola Fletcher (à droite), la plus ancienne survivante du massacre de Tulsa encore en vie, témoignent de l’impact persistant de cet évènement devant la Chambre des représentants des États-Unis, à Washington, le 19 mai 2021. « Je continue de vivre avec les séquelles de ce massacre tous les jours », a déclaré Fletcher aux législateurs. « Notre pays peut oublier cette histoire, mais moi, je ne peux pas ».  © 2021 Jim Watson/AFP via Getty Images

(Washington, le 13 janvier 2022) – L’administration du Président Joe Biden a fait de lents progrès en matière de protection des droits humains aux États-Unis, a constaté aujourd’hui Human Rights Watch dans l’édition 2022 de son Rapport mondial.

« L’administration Biden a fait d’importantes déclarations sur des questions clés telles que l’équité raciale et l’égalité entre les sexes, mais rien ne prouve jusqu’à présent que ces paroles auront un impact réel sur les personnes dont les droits ont été systématiquement et historiquement ignorés ou bafoués », a déclaré Nicole Austin-Hillery, la directrice exécutive du programme États-Unis à Human Rights Watch. « Les Noirs aux États-Unis souffrent toujours d’importantes disparités économiques découlant d’un racisme systémique dont les répercussions se font ressentir sur plusieurs générations, et les politiques frontalières ont taillé en pièces le droit de demander l’asile, tandis que les agents de l’immigration soumettent les migrants à des traitements violents et abusifs. »

Une jeune femme qui avait participé à des manifestations contre la junte au Myanmar tient des roses alors que sa mère la serre dans ses bras, peu après sa libération après trois semaines d’emprisonnement à Yangon.

Le Rapport mondial 2022 de HRW examine les pratiques en matière de droits humains dans plus de 100 pays.

Version FR (abrégée)

Dans son Rapport mondial 2022, dont c’est la 32e édition et qui compte 752 pages, Human Rights Watch examine les pratiques en matière de droits humains dans près de 100 pays. Kenneth Roth, son Directeur exécutif, y remet en question l’idée reçue selon laquelle l’autocratie serait en plein essor. Récemment, dans divers pays, de nombreuses personnes sont descendues dans la rue malgré le risque d’être arrêtées ou de se faire tirer dessus, preuve que l’attrait de la démocratie reste fort. Dans le même temps, les autocrates ont de plus en plus de mal à manipuler les élections en leur faveur. Pour Kenneth Roth, il n’en reste pas moins que les dirigeants démocrates doivent faire plus encore pour relever les défis au niveau national et mondial, et s’assurer que la démocratie tienne ses promesses.

Outre des politiques et actions de l’exécutif visant à promouvoir l’équité raciale et de genre et à protéger les droits des personnes LGBT, la commission judiciaire de la Chambre des représentants des États-Unis a voté pour que le projet de loi H.R. 40, visant à étudier l’octroi de réparations aux victimes et descendants de l’esclavage, soit soumis au vote de l’ensemble de la Chambre pour la première fois en 32 ans. Mais fin 2021, cette mesure historique était toujours bloquée.

Au nombre des insuffisances de la politique intérieure américaine liées au racisme systémique, figure la surreprésentation des Noirs dans les prisons, malgré certaines réductions des taux d’incarcération. Les Noirs américains sont tués par la police à un taux par habitant trois fois supérieur à celui des Blancs et représentent encore près de 42 % de la population des couloirs de la mort, alors qu’ils ne forment que 12,4 % de la population des États-Unis.

Les communautés noires, latino-américaines et autochtones ont été touchées de manière disproportionnée par le Covid-19, qui a accentué les disparités raciales existantes en matière d’accès aux soins de santé, au logement, à l’eau potable et abordable, à l’emploi, à l’éducation mais aussi en termes d’accumulation de richesses, a relevé Human Rights Watch. Les inégalités économiques, qui restent élevées, ont légèrement augmenté aux États-Unis, bien que la pauvreté ait diminué en grande partie grâce à la hausse des aides gouvernementales. L’écart de richesses entre Noirs et Blancs persiste.

L’administration Biden a également maintenu la politique frontalière néfaste du Titre 42, en vertu de laquelle sont expulsés pour des raisons de santé publique spécieuses les demandeurs d’asile au Mexique ou dans leur pays d’origine, où ils sont exposés à des conditions de vie dangereuses. Un exemple particulièrement grave de cette politique a été illustré en septembre par un incident au cours duquel des garde-frontières à cheval de la US Border Patrol ont menacé des Haïtiens qui traversaient la frontière à Del Rio, au Texas, et par l’expulsion sommaire des États-Unis de milliers d’Haïtiens vers leur pays d’origine, où ils sont en danger.

Human Rights Watch a recueilli d’autres preuves de traitement abusif des demandeurs d’asile par les garde-frontières américains, telles que décrites dans des documents du Département de la Sécurité intérieure obtenus après un procès. Ces documents répertorient plus de 160 rapports internes faisant état d’abus physiques et autres à l’encontre de demandeurs d’asile, ainsi que de violations de leurs droits à une procédure régulière.

Dans le cadre de sa politique étrangère, l’administration Biden a annoncé son engagement à « placer les droits humains au centre de la politique étrangère des États-Unis » et en faveur du multilatéralisme. Les États-Unis ont demandé – et obtenu – d’être élus au Conseil des droits de l’homme de l’OU et rejoint l’accord de Paris sur le climat. Ils ont annulé la règle du « bâillon mondial », qui empêchait le financement des soins de santé réservé aux femmes, rétabli leur financement du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) et réintroduit les rapports sur les droits en matière de santé reproductive dans le rapport annuel du département d’État sur les droits humains.

Mais des échecs significatifs en matière de protection et de promotion des droits humains ont également été constatés, parmi lesquels la poursuite des ventes d’armes à des gouvernements qui violent les droits de la personne et le droit international humanitaire, notamment les Philippines, l’Égypte et l’Arabie saoudite, et l’absence de condamnation publique des violations par des partenaires stratégiques.

L’administration Biden devrait mettre fin à la politique abusive et illégale du Titre 42, prendre des mesures concrètes et rendre compte de manière rigoureuse des progrès accomplis, conformément à ses déclarations politiques sur l’équité raciale et de genre. Les États et les collectivités locales américaines doivent mettre fin aux pratiques policières abusives à l’encontre des Noirs et des autres personnes de couleur et investir dans les communautés de manière à lutter contre le racisme structurel. Les politiques des États menaçant le droit à l’accès à l’avortement et à la liberté reproductive doivent cesser pour que soient pleinement protégés les droits des femmes et des filles.

« Le gouvernement américain doit prendre des mesures audacieuses et concrètes pour protéger les droits de tous les habitants des États-Unis, qu’ils soient noirs ou blancs, citoyens ou pas, ainsi que pour promouvoir les droits humains dans le monde entier dans le cadre de sa politique étrangère », a conclu Nicole Austin-Hillery.

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Tweets / US (2022)

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