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Myanmar : TotalEnergies soutient des sanctions ciblées

Une voie claire pour les États-Unis, la France et l'Union européenne pour bloquer les paiements de revenus gaziers à la junte.

Des soldats interviennent pour disperser des manifestants lors d'une manifestation à Rangoun, Myanmar, dimanche 7 mars 2021.    © AP Photo, File

(Paris) – L’entreprise française TotalEnergies a fait part de son soutien à des sanctions ciblées sur les revenus du gaz naturel au Myanmar afin d'empêcher la junte militaire birmane de profiter de centaines de millions de dollars de paiements, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui.

TotalEnergies a exprimé cette évolution dans une réponse à une lettre de Human Rights Watch demandant à l'entreprise de soutenir des sanctions visant à mettre fin aux paiements liés au gaz aux entités contrôlées par les militaires du Myanmar. TotalEnergies exploite depuis les années 1990 le projet gazier de Yadana au Myanmar, qui procure des revenus à la Myanmar Oil and Gas Enterprise, contrôlée par la junte.

"Avec le fait que désormais TotalEnergies et les groupes de défense des droits humains soutiennent les sanctions contre les revenus gaziers du Myanmar, les États-Unis et l'Union européenne n’ont plus d’excuse pour ne pas agir ", a déclaré John Sifton, directeur du plaidoyer pour l'Asie à Human Rights Watch. "Ces gouvernements devraient immédiatement imposer des mesures indispensables pour cibler les fonds qui financent le régime abusif de la junte."

Dans une lettre datée du 18 janvier 2022 adressée à Human Rights Watch, le PDG de TotalEnergies, Patrick Pouyanné, a indiqué que la compagnie s'était entretenue avec les autorités françaises et américaines au sujet de la mise en œuvre de sanctions ciblées sur les flux de revenus gaziers et a affirmé que TotalEnergies  « non seulement se conformera à toute décision de sanction provenant des autorités européennes ou américaines mais soutient la mise en œuvre de telles sanctions ciblées."   

TotalEnergies a également officiellement saisi le Ministère français des Affaires étrangères afin de mettre en place des sanctions qui créeraient "un cadre légal pour répondre aux sollicitations dont nous faisons l’objet de mettre fin aux flux financiers" vers la Myanmar Oil and Gas Enterprise.

Depuis qu'elle a renversé le gouvernement démocratiquement élu le 1er février 2021, l'armée du Myanmar a mené une répression à l'échelle nationale contre les manifestants anti-junte, les activistes, les journalistes et l'opposition politique, faisant plus de 1 400 morts et constituant des crimes contre l'humanité. Les attaques répétées contre les zones de minorités ethniques ont donné lieu à de nombreux crimes de guerre. Au cours de l'année écoulée, TotalEnergies a fait face à des appels de plus en plus nombreux de la part de la société civile et des organisations syndicales du Myanmar, ainsi qu'à la pression des investisseurs institutionnels, pour qu'elle suspende ses paiements à la junte.

Depuis le coup d'État, les États-Unis, le Canada, le Royaume-Uni et l’UE ont imposé des sanctions économiques ciblées aux dirigeants de la junte et à plusieurs conglomérats et entreprises détenus ou contrôlés par les militaires du Myanmar, mais pas à la Myanmar Oil and Gas Enterprise ni aux paiements qu'elle reçoit. Le gouvernement français du président Emmanuel Macron n'a pas soutenu des mesures sur les paiements liés au gaz. L'administration du président américain Joe Biden n'a pas souhaité imposer de telles mesures unilatéralement sans le soutien de la France et d'autres pays de l'UE.

Les États-Unis et la France devraient maintenant adopter une position commune pour imposer de telles sanctions, a déclaré Human Rights Watch.

Les projets de gaz naturel au Myanmar génèrent chaque année plus d'un milliard de dollars de recettes étrangères pour la junte, ce qui constitue sa principale source de revenus en devises étrangères. L'argent est transmis en dollars américains à la Myanmar Oil and Gas Enterprise ou à d'autres comptes bancaires contrôlés par les militaires dans des pays étrangers, sous la forme de droits, de taxes, de redevances et de dividendes provenant de l'exportation de gaz naturel, dont la majeure partie est acheminée par gazoduc vers la Thaïlande ou la Chine.

Les plus gros revenus gaziers versés le sont par l'intermédiaire de la société PTT, détenue majoritairement par l'État thaïlandais, qui achète environ 80 % du gaz naturel exporté par le Myanmar auprès de coentreprises (joint-ventures) détenues par TotalEnergies, Chevron et Myanmar Oil and Gas Enterprise. PTT détient séparément des participations dans des coentreprises avec la société sud-coréenne POSCO, qui transporte et vend du gaz à la Chine. Human Rights Watch a précédemment écrit à toutes ces entreprises et à leurs actionnaires, les exhortant à soutenir les sanctions sur les revenus du gaz.

"Le soutien de TotalEnergies aux sanctions devrait servir d'exemple aux autres entreprises énergétiques opérant au Myanmar, ainsi qu'au gouvernement thaïlandais, le plus gros acheteur de gaz du Myanmar", a déclaré Sifton. "Les membres des conseils d'administrations et les investisseurs institutionnels des autres entreprises devraient les pousser à suivre la décision de TotalEnergies."

Une critique formulée à l’égard des sanctions est que ces dernières pourraient arrêter complètement les opérations gazières, ce qui nuirait à la population. Cependant, des sanctions ciblées sur les revenus et les paiements des taxes ne perturberaient pas les opérations, mais seulement le flux de fonds vers la junte. L'UE et les États-Unis sont dans une position clé pour imposer des sanctions puisque les paiements pour les opérations gazières sont effectués en dollars américains et impliquent des banques multinationales qui tombent sous la juridiction des lois européennes et américaines. Les sanctions de la part de ces autorités peuvent arrêter les paiements effectués par les banques en Thaïlande, à Singapour, en Corée du Sud et dans d'autres endroits, car les banques étrangères doivent se conformer aux autorités de l'UE et des États-Unis lorsqu'elles demandent aux banques européennes et américaines de traiter, ou de "régler", les transactions en euros ou en dollars.

"Avec l'annonce de TotalEnergies, les gouvernements n'ont désormais aucune raison de s'opposer ou d'éviter des mesures plus sévères montrant leur soutien aux millions de personnes au Myanmar qui veulent la justice et que les responsables des graves abus répondent de leurs actes", a déclaré M. Sifton. "Les dirigeants de la junte ne renonceront à leur brutalité et leur oppression que si les coûts économiques de leurs abus sont trop importants pour qu'ils puissent les supporter."

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