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Remnants of a misfired 9M22S incendiary 122mm Grad rocket

Questions-réponses : Risque du recours aux armes incendiaires en Ukraine

Fragments d'une roquette incendiaire russe Grad 9M22S de 122 mm, retrouvés en 2014 près d'Ilovaïsk, dans l’est de l’Ukraine. Chaque roquette contient 180 capsules hexagonales noires en alliage de magnésium ML-5, contenant un composé pyrotechnique qui brûle pendant environ deux minutes à très haute température. © 2014 Mark Hiznay/Human Rights Watch

Les armes incendiaires comptent parmi les armes les plus cruelles utilisées dans les conflits armés contemporains. Ces armes, qui produisent de la chaleur et du feu par le biais d’une réaction chimique d'une substance inflammable, causent des souffrances humaines immédiates et permanentes ; en outre, elles sont capables de détruire des maisons et d'autres structures civiles. La Russie et l'Ukraine possèdent toutes deux des armes incendiaires et les ont utilisées lors de conflits antérieurs.

1. Que sont les armes incendiaires et comment sont-elles utilisées ?

2. Quel est le coût humain des armes incendiaires ?

3. Dans quels pays les armes incendiaires ont-elles été récemment utilisées ?

4. Des armes incendiaires ont-elles été utilisées lors du conflit de 2014-2015 dans l'est de l'Ukraine ?

5. Qu'est-ce que le phosphore blanc ?

6. Dans quels pays le phosphore blanc a-t-il déjà été utilisé ?

7. Comment le droit international humanitaire régit-il les armes incendiaires ?

8. Le Protocole III de la CCAC offre-t-il des protections humanitaires efficaces contre les armes incendiaires ?

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1. Que sont les armes incendiaires et comment sont-elles utilisées ?

Les armes incendiaires sont des munitions qui produisent du feu par le biais d’une réaction chimique. Dans les guerres modernes, ces armes sont souvent utilisées pour enflammer le carburant de véhicules militaires et les munitions de forces ennemies, détruire leurs véhicules et autres équipements et attaquer les combattants ennemis. Le napalm, largement utilisé pendant la guerre du Vietnam, est la substance incendiaire la plus connue.

2. Quel est le coût humain des armes incendiaires ?

Les armes incendiaires infligent des brûlures atroces, parfois jusqu’à l’os, et peuvent causer des lésions respiratoires, des infections, des chocs et des dommages aux organes. Au fil du temps, les cicatrices risquent de resserrer les tissus musculaires, et de créer des handicaps physiques. Le traumatisme de l'attaque, le traitement douloureux qui s'ensuit et les cicatrices qui changent l'apparence peuvent aussi entraîner des dommages psychologiques et l'exclusion sociale.

Les insuffisances des soins de santé disponibles dans les situations de conflit armé exacerbent le processus déjà difficile de traitement des brûlures graves. Les incapacités à long terme, le coût des soins médicaux et la perte de biens associés aux armes incendiaires ont des impacts socio-économiques négatifs. Les armes incendiaires déclenchent également des incendies qui peuvent détruire des maisons, endommager des infrastructures et des cultures vitales, et tuer du bétail.

3. Dans quels pays les armes incendiaires ont-elles été récemment utilisées ?

Au cours des 15 dernières années, Human Rights Watch a documenté l'utilisation d'armes incendiaires en Afghanistan, à Gaza, en Irak, en Syrie, en Ukraine et au Yémen.

En Syrie, Human Rights Watch a documenté plus de 120 incidents impliquant des armes incendiaires de 2012 à 2018 par l'alliance militaire syro-russe, qui ont eu lieu dans six gouvernorats : Alep, Damas, la campagne de Damas, Daraa, Hama et Idlib. L'organisation bénévole Syria Civil Defence a rapporté, par exemple, que le 16 mars 2018, une attaque à l'arme incendiaire contre Kafr Batna, dans la Ghouta orientale, a tué au moins 61 personnes et en a blessé plus de 200. Lors d'un autre incident, les forces gouvernementales syriennes ont largué une arme incendiaire sur un lycée à Urum al-Kubra le 26 août 2013.

4. Des armes incendiaires ont-elles été utilisées lors du conflit de 2014-2015 dans l'est de l'Ukraine ?

Les forces séparatistes soutenues par la Russie ont utilisé des armes incendiaires lancées au sol, en particulier des roquettes 9M22S Grad, en juillet-août 2014 dans au moins deux villes de l'est de l'Ukraine, 'Ilovaïsk et Lougansk. Ces roquettes ont incendié plusieurs maisons et mis en danger des civils.

5.  Qu'est-ce que le phosphore blanc ?

Bien qu'il ne soit pas défini comme une arme incendiaire en vertu de la législation actuelle sur les armes, le phosphore blanc est connu pour la gravité des blessures qu'il provoque. Le phosphore blanc est très soluble dans les graisses et brûle donc profondément la chair humaine. Si des fragments de phosphore blanc pénètrent dans la circulation sanguine, ils peuvent entraîner une défaillance multiviscérale. Les plaies déjà pansées peuvent se rallumer lorsque les pansements sont retirés et qu'elles sont réexposées à l'oxygène.

Les munitions au phosphore blanc fonctionnent de la même manière que les armes incendiaires : en déclenchant des incendies et en provoquant des brûlures par l'action de flammes, de la chaleur ou d'une combinaison de celles-ci, produites par une réaction chimique d'une substance larguée sur la cible. Toutefois, comme indiqué ci-dessous (Q8), les munitions au phosphore blanc sont exclues de la définition actuelle d’armes incendiaires selon le Protocole III de la CCAC, car elles sont « essentiellement conçues » pour créer un écran de fumée afin de dissimuler des opérations militaires.

6. Dans quels pays le phosphore blanc a-t-il déjà été utilisé ?

Des munitions au phosphore blanc ont été utilisées à plusieurs reprises au cours des 15 dernières années, y compris par les forces de la coalition dirigée par les États-Unis contre l'État islamique (EI) en Irak et en Syrie en 2017 ; par les forces de la coalition dirigée par l'Arabie saoudite au Yémen en 2016 ; par Israël à Gaza en 2008-2009 ; par la Force internationale d'assistance à la sécurité (FIAS) et les talibans en Afghanistan entre 2005 et 2011 ; par les forces éthiopiennes en Somalie en 2007 ; et par les États-Unis en Irak en 2004.

7. Comment le droit international humanitaire régit-il les armes incendiaires ?

Les armes incendiaires sont régies par le Protocole III amendant la Convention de Genève de 1980 sur certaines armes classiques (CCAC). Le protocole vise à protéger les civils et les biens de caractère civil en réglementant l'utilisation d'armes incendiaires dans les "concentrations de civils" et dans les "forêts et autres types de couverture végétale".

Le Protocole III interdit l'utilisation d'armes incendiaires larguées par voie aérienne dans les zones peuplées mais autorise l'utilisation de modèles livrés au sol dans certaines circonstances. Parce que toutes les armes incendiaires provoquent les mêmes effets, cette distinction arbitraire et dépassée devrait être éliminée. Une interdiction totale des armes incendiaires aurait les plus grands avantages humanitaires.

Les rédacteurs du Protocole III se sont concentrés sur la réglementation des armes incendiaires les plus troublantes au moment de sa négociation : les armes larguées spécialement conçues pour brûler et mettre le feu, notamment celles contenant du napalm. Cette portée étroite, cependant, est un héritage des années 1970 et n'est plus appropriée aujourd'hui.

8. Le Protocole III de la Convention sur certaines armes classiques (CCAC) offre-t-il des protections humanitaires efficaces contre les armes incendiaires ?

Le Protocole III contient deux lacunes majeures qui réduisent son pouvoir juridique et normatif et sa capacité à protéger les civils :

• L'article 1 du protocole définit étroitement une arme incendiaire comme « toute arme ou munition essentiellement conçue pour mettre le feu à des objets ou pour infliger des brûlures à des personnes par l'action des flammes, de la chaleur ou d'une combinaison des flammes et de la chaleur, que dégage une réaction chimique d'une substance lancée sur la cible ». Cette définition exclut les munitions polyvalentes, notamment celles contenant du phosphore blanc. Ce type d’arme met le feu et provoquent des brûlures, mais est « essentiellement conçue » pour d'autres usages, tels que le balisage, l'obscurcissement ou la signalisation.  

• L'article 2 établit une distinction arbitraire entre les armes incendiaires, selon leur système de lancement. L'article 2-a interdit en toutes circonstances l'utilisation d'armes incendiaires larguées par voie aérienne sur une cible militaire située « à l’intérieur d’une concentration de civils ». Toutefois, l’article 2-b autorise l'utilisation d'armes incendiaires à lancement terrestre dans certains cas exceptionnels, notamment « quand un tel objectif militaire est nettement à l'écart de la concentration de civils et quand toutes les précautions possibles ont été prises pour limiter les effets incendiaires à l'objectif militaire et pour éviter et […] minimiser, les pertes accidentelles en vies humaines dans la population civile, les blessures qui pourraient être causées aux civils et les dommages occasionnés aux biens de caractère civil ».

Human Rights Watch appelle les pays parties à la CCAC à renforcer le Protocole III en comblant ces lacunes. Ils devraient adopter une définition des armes incendiaires fondée sur les effets, qui englobe les munitions polyvalentes, et interdire l'utilisation de toutes les armes incendiaires, quel que soit leur vecteur, dans les concentrations de civils.

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