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Royaume-Uni : Suspension des ventes d'armes à l’Arabie saoudite

Dans une décision de justice historique, la Cour d’appel de Londres a estimé que le gouvernement n'a pas tenu compte des violations au Yémen

Fragment d'une bombe guidée Paveway IV qui a frappé les entrepôts à Hudaydah (Yémen), en  janvier 2016. Il s’agirait d’une bombe fabriquée par la compagnie britannique Raytheon en mai 2015, selon le numéro inscrit sur la bombe, après le début du conflit au Yémen. © 2016 Priyanka Motaparthy/Human Rights Watch

(Londres, le 20 juin 2019) - La Cour d'appel de Londres a statué le 20 juin 2019 que le refus du gouvernement du Royaume-Uni de tenir compte des violations des lois de la guerre commises par l'Arabie saoudite au Yémen avant d'autoriser la vente d'armes était illégal, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui.

Ce jugement historique exige du gouvernement britannique qu'il reconsidère sa décision sur les ventes d'armes à l'Arabie saoudite. Le gouvernement britannique a accepté de suspendre immédiatement ses ventes d'armes à ce pays jusqu'à ce qu'il prenne une nouvelle décision légale sur les licences d'exportation d’armement ou obtienne un nouvel arrêt de la cour. La France et les autres pays européens devraient également cesser immédiatement leurs ventes d'armes à l'Arabie saoudite, a déclaré Human Rights Watch.

« Le gouvernement britannique se vante d'avoir le régime de contrôle d’exportation d’armes le plus robuste du monde, mais la Cour a maintenant clarifié ce que cela implique réellement », a déclaré Clive Baldwin, conseiller juridique à Human Rights Watch. « Le gouvernement britannique doit à présent tenir compte du bilan terrible de l'Arabie saoudite en matière d'attaques illégales contre des civils yéménites lorsqu'il décide s'il peut approuver des exportations d'armes vers ce pays. »

L'action en justice a été intentée par la Campaign Against Arms Trade (CAAT). Human Rights Watch, ainsi qu'Amnesty International et RWUK, sont intervenus en tant que tiers, tout comme Oxfam International. Le jugement s’appuie sur les normes, approuvées par tous les États membres de l'Union Européenne (UE), selon lesquelles les gouvernements ne devraient pas autoriser les exportations d'armes lorsqu'il existe un risque manifeste que ces armes soient utilisées pour commettre des violations graves du droit international humanitaire (droit de la guerre).

La Cour d'appel a estimé qu'il était illégal pour le gouvernement britannique de ne pas avoir vérifier si l'Arabie saoudite avait violé les lois de la guerre dans le conflit au Yémen lorsqu'il a décidé de délivrer des licences d’exportations d'armement. Le ministère britannique du Commerce international, responsable de l'approbation des exportations d'armes, devra maintenant décider soit d’appliquer l’arrêt de la Cour en reconsidérant les licences d'exportation d'armes, soit de faire appel de ce jugement.

Cette décision a d'importantes implications dans toute l'Europe. Le jugement s’est appuyé sur les normes de l'Union européenne en matière de vente d'armes aux pays commettant de graves abus. Selon ces normes, aucun État européen ne devrait approuver de ventes d'armes à l'Arabie saoudite compte tenu de ses violations au Yémen, a déclaré Human Rights Watch.

Un nombre croissant de pays européens ont mis fin à leurs ventes d'armes à l'Arabie saoudite, notamment l'Allemagne, le Danemark, les Pays-Bas, la Finlande, la Norvège et l'Autriche. Le Parlement européen a appelé à une position commune de l'UE interdisant les ventes d'armes à l'Arabie saoudite. Le Congrès américain a également voté pour mettre fin au soutien américain à la campagne militaire de la coalition dirigée par les Saoudiens au Yémen. Toutefois, d'autres pays, dont la France, continuent d'approuver les ventes d'armes à l'Arabie saoudite.

Depuis que la coalition a lancé sa campagne aérienne au Yémen en 2015, le Royaume-Uni a autorisé la vente d'armes à l'Arabie saoudite pour au moins 4,7 milliards de livres sterling (5,3 milliards d’euros).

La Cour d'appel a relevé le travail de Human Rights Watch et d'autres organisations documentant les violations au Yémen, déclarant que les « principales ONG » et l’Organisation des Nations Unies (ONU) « avaient une contribution majeure à apporter en recensant et en analysant les événements sur le terrain dans le conflit au Yémen ».

Des chercheurs.ses de Human Rights Watch se sont régulièrement rendu.e.s au Yémen et ont documenté l'utilisation d'armes lors de frappes aériennes illégales, dont des armes fabriquées au Royaume-Uni. Les Nations Unies, Human Rights Watch, Amnesty International et des organisations yéménites des droits humains ont documenté à maintes reprises les attaques de la coalition dirigée par l’Arabie saoudite, dont certaines constituent très probablement des crimes de guerre, qui ont frappé des marchés, des écoles, des hôpitaux et des maisons, et tué et blessé des milliers de civils.

Depuis 2016, Human Rights Watch a appelé tous les pays à mettre fin à leurs ventes d'armes à l'Arabie saoudite jusqu'à ce que la coalition saoudienne mette fin à ses attaques illégales et enquête de manière crédible sur celles qui ont déjà eu lieu.

Les violations commises par la coalition au Yémen se poursuivent. Le 27 mai, des frappes aériennes ont touché un dépôt de carburant à Taiz, tuant 12 civils, dont quatre enfants, selon les médias. Le 16 mai, des frappes aériennes ont touché un immeuble résidentiel à Sanaa, la capitale contrôlée par les Houthis, tuant plusieurs civils, dont cinq enfants, selon l'ONU. Le 9 août 2018, une attaque aérienne de la coalition dirigée par l’Arabie saoudite a tué au moins 26 enfants et en a blessé au moins 19 autres dans et près d'un autobus scolaire dans le marché très fréquenté de Dhahyan, dans le nord du Yémen. Le 24 octobre, la coalition a frappé une usine d'emballage de légumes, tuant 21 civils, selon un rapport de l'ONU.

Le groupe armé Houthi a également commis de graves violations du droit de la guerre, notamment en utilisant des mines terrestres qui tuent des civils, en recrutant des enfants pour combattre, en prenant des civils en otage et en les torturant, et en lançant délibérément ou sans discrimination des missiles sur les aéroports civils et autres sites civils.

Le Joint Incidents Assessment Team (Équipe conjointe d'évaluation des incidents, JIAT) de la coalition dirigée par l'Arabie saoudite, créé en 2016 avec le soutien du Royaume-Uni pour enquêter sur les « réclamations et accidents » au cours des opérations militaires de la coalition au Yémen, est loin de répondre aux normes internationales concernant la transparence, l'impartialité et l'indépendance. Le JIAT a au contraire cherché à soustraire la coalition à toute obligation de rendre des comptes en élaborant des analyses des lois de la guerre profondément erronées et en concluant ses enquêtes de manière douteuse.

« Le Royaume-Uni va maintenant devoir repenser sa stratégie de vente d'armes à l'Arabie saoudite du fait des violations de cette dernière, et d'autres gouvernements européens devraient également y être attentifs », a déclaré Clive Baldwin. « Le Royaume-Uni et d'autres alliés de l'Arabie saoudite devraient faire pression pour qu’elle mette fin à ses attaques illégales au Yémen. »

Human Rights Watch et les autres intervenants étaient légalement représentés par Deighton Pierce Glynn et Jemima Stratford QC, Nik Grubeck et Anthony Jones.

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Dans les médias

Arte    Le Figaro/AFP

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