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Gaza : Crimes de guerre présumés lors des affrontements de mai

Les violations commises par les forces israéliennes et par les groupes armés palestiniens mettent en évidence le besoin d’une enquête de la Cour pénale internationale

Les forces israéliennes et les groupes armés palestiniens ont mené des attaques, lors des affrontements de mai 2021 dans la Bande de Gaza et en Israël, qui ont violé les lois de la guerre et ont apparemment constitué des crimes de guerre, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. L’armée israélienne et les autorités palestiniennes ont un lourd bilan marqué par leur incapacité à enquêter sur les violations des lois de la guerre commises sur ou à partir de Gaza.

Human Rights Watch a enquêté sur trois frappes aériennes israéliennes qui ont causé la mort de 62 civils palestiniens, dans des zones où aucune cible militaire évidente ne se trouvait. Les groupes armés palestiniens ont également perpétré des attaques illégales, tirant plus de 4 360 roquettes et obus de mortier non guidés vers des centres de population israéliens, violant ainsi l’interdiction de s’attaquer délibérément ou sans discernement à des civils. Human Rights Watch publiera séparément les conclusions de ses recherches sur les tirs de roquettes effectués par les groupes armés palestiniens.

« Les forces israéliennes ont mené en mai des attaques à Gaza qui ont décimé des familles entières, alors qu’il n’y avait pas de cible militaire apparente à proximité », a déclaré Gerry Simpson, directeur adjoint de la division Crises et conflits à Human Rights Watch. « Le refus persistant des autorités israéliennes d’enquêter de manière sérieuse sur des crimes de guerre présumés, ainsi que les attaques à la roquette des forces palestiniennes contre des centres de population israéliens, démontrent combien il importe que la Cour pénale internationale diligente une enquête. »

Les Nations Unies ont affirmé que lors des affrontements de mai, les attaques menées par l’armée israélienne ont causé la mort de 260 Palestiniens, dont au moins 129 civils, parmi lesquels 66 étaient des enfants. Le ministère de la Santé de Gaza a déclaré que les forces israéliennes avaient blessé 1 948 Palestiniens, dont 610 enfants. Les autorités israéliennes ont affirmé que les attaques à la roquette et au mortier commises par les groupes armés palestiniens avaient causé la mort de 12 civils, dont deux enfants et un militaire, et blessé « plusieurs centaines » de personnes. D’autre part, plusieurs Palestiniens sont morts à Gaza quand des roquettes tirées par les groupes armés ont fait long feu et sont retombées sur le territoire de Gaza.

Des membres d’une unité de défense civile palestinienne s’apprêtaient à transporter le corps de l’une des 44 personnes civiles tuées lors de l'effondrement de trois immeubles résidentiels à Gaza, à la suite de frappes aériennes israéliennes menées le 16 mai 2021. © 2021 Rizek Abdeljawad/Xinhua via Getty Images 

Depuis fin mai, Human Rights Watch a mené des entretiens en personne avec 30 Palestiniens qui ont été témoins des attaques israéliennes, étaient des proches des civils tués, ou étaient des habitants des zones ciblées. Human Rights Watch s’est également rendu sur les lieux de quatre de ces attaques, a inspecté des débris de munitions et analysé des images satellite, des séquences vidéo et des photos prises après ces attaques.

Human Rights Watch a axé ses investigations sur trois attaques israéliennes qui se sont soldées par un lourd bilan de victimes civiles, dans des zones où il n’y avait pas de cible militaire évidente. D’autres attaques israéliennes menées lors du conflit étaient aussi probablement illégales.

Le 10 mai, près de la ville de Beit Hanoun, un missile guidé israélien s’est abattu à proximité de quatre maisons de la famille al-Masri, tuant huit civils, dont six enfants. Le 15 mai, une bombe téléguidée a détruit un immeuble de trois niveaux dans le camp de réfugiés d’al-Chati, tuant 10 civils, deux femmes et huit enfants de deux familles apparentées. Et le 16 mai, une série de frappes aériennes israéliennes, qui a duré quatre minutes, a visé la rue al-Wahda à Gaza, provoquant l’effondrement de trois immeubles de plusieurs étages et tuant 44 civils. L’armée israélienne a affirmé qu’elle avait visé des tunnels et un centre de commandement souterrain utilisé par les groupes armés, mais n’a présenté aucun détail pour étayer cette affirmation.

Le 13 juillet, une porte-parole des Forces de défense israéliennes a répondu à une lettre de Human Rights Watch datée du 4 juin, dans laquelle l’organisation résumait ses constatations sur les incidents évoqués ci-dessus et sollicitait des informations spécifiques. L’armée israélienne a affirmé notamment qu’elle « frappait exclusivement des cibles militaires, après avoir estimé que les dommages collatéraux potentiels résultant de l’attaque ne seraient pas excessifs en comparaison avec les avantages militaires attendus,… faisait des efforts délibérés pour réduire les dommages infligés aux personnes innocentes [et] dans de nombreuses frappes effectuées [en mai] … quand c’était possible … avait averti à l’avance des frappes les civils vivant à l’intérieur de périmètres considérés comme des cibles militaires. » L’armée a également affirmé qu’elle enquêtait sur un certain nombre d’attaques qui s’étaient produites lors des affrontements de mai, afin de déterminer si ses « règles d’engagement avaient été violées. »

Le 30 mai, Human Rights Watch a sollicité l’autorisation pour quelques-uns de ses chercheurs expérimentés d’entrer à Gaza afin de poursuivre les enquêtes sur la manière dont se sont déroulées les hostilités ; toutefois, le 26 juillet, les autorités israéliennes ont rejeté cette demande. Les autorités israéliennes refusent l’accès à Gaza aux équipes internationales de Human Rights Watch depuis 2008, à l’exception d’une seule visite autorisée en 2016. Les pays alliés d’Israël devraient insister auprès de son gouvernement pour qu’il accorde l’accès à Gaza aux organisations de défense des droits humains afin qu’elles puissent enquêter sur des allégations d’abus et publier les résultats de leurs recherches.

Les partenaires d’Israël, en particulier les États-Unis, qui lui fournissent une importante aide militaire et dont les armes qu’ils lui vendent ont été utilisées dans au moins deux des attaques sur lesquelles Human Rights Watch a enquêté, devraient conditionner toute future assistance à Israël en matière de sécurité à la prise par son gouvernement de mesures concrètes et vérifiables en vue d’améliorer son respect des lois de la guerre et du droit international en matière de droits humains, et pour enquêter sur les abus commis dans le passé. 

Human Rights Watch effectue également des recherches et rendra un rapport séparé sur les tirs de roquettes par les groupes armés palestiniens qui ont illégalement tué des civils en Israël et à Gaza entre le 10 et le 21 mai. Pendant cette période, plus de 3 680 roquettes sont tombées sur le territoire d’Israël, selon l’armée israélienne. N’étant pas équipées de systèmes de guidage, ces roquettes sont des armes intrinsèquement aveugles quand elles sont tirées sur des zones peuplées de civils.

L'armée israélienne a affirmé que parmi les victimes des roquettes et des obus de mortier palestiniens se trouvaient un enfant de 5 ans, Ido Abigail, tué dans une attaque à Sderot le 12 mai; Khalil Awad, 52 ans, et sa fille Nadine, 16 ans, tous deux citoyens palestiniens d’Israël, tués le 12 mai dans le village de Dahmash; et Gershon Franco, 55 ans, tué à Ramat Gan par une roquette le 15 mai parce que, pour des raisons liées à son état de santé, il n’a pas pu rejoindre un abri anti-bombes après le déclenchement des sirènes d’alarme.

Selon le droit international humanitaire, ou les lois de la guerre, les parties en conflit ne doivent viser que des objectifs militaires. Elles sont tenues de prendre toutes les précautions possibles pour minimiser les dommages subis par les civils, notamment en avertissant à l’avance sur l’imminence d’une attaque. Les attaques délibérées de civils et de biens civils sont interdites. Les lois de la guerre interdisent également les attaques menées sans discernement, ce qui inclut les attaques qui ne font pas de distinction entre des cibles civiles et militaires ou ne visent pas un objectif militaire. Les attaques dans lesquelles les dommages prévisibles pour les civils et les biens civils est sans commune mesure avec les avantages militaires espérés sont également interdites. Les individus qui commettent de graves violations des lois de la guerre avec une intention criminelle – c’est-à-dire délibérément ou de manière irresponsable – se rendent responsables de crimes de guerre.

Le 12 mai, le Bureau du Procureur de la Cour pénale internationale (CPI) a indiqué qu’il surveillait la situation à Gaza. Le Bureau devrait inclure dans son investigation de la situation en Palestine les attaques israéliennes à Gaza qui ont apparemment résulté en des victimes civiles dans des conditions illégales, ainsi que les tirs de roquettes palestiniens qui ont touché des centres de population en Israël.

Les hostilités du mois de mai, comme celles de 2008, 2012, 2014, 2018 et 2019, entre autres, se sont produites alors qu’Israël imposait un bouclage général de la bande de Gaza, politique qui a commencé en 2007, et s’efforçait de manière discriminatoire de déloger des Palestiniens vivant dans Jérusalem-Est occupé, politiques et pratiques qui sont constitutives des crimes contre l’humanité d’apartheid et de persécution commis par le gouvernement israélien, comme Human Rights Watch l’a documenté.

Le 27 mai, le Conseil des droits de l’homme de l’ONU a créé une Commission d’enquête pour examiner les violations et abus commis dans le Territoire palestinien occupé (TPO) et en Israël, y compris en faisant avancer le principe de responsabilité pour les auteurs d’abus et de justice pour les victimes. Cette commission devrait examiner les attaques illégales commises par les forces israéliennes et les groupes armés palestiniens lors des affrontements de mai. Elle devrait également analyser le contexte général de ces affrontements, y compris le traitement discriminatoire des Palestiniens par le gouvernement israélien. Les conclusions de la commission devraient être transmises au procureur de la CPI et à d’autres autorités judiciaires crédibles qui observent la situation, a déclaré Human Rights Watch.

Les autorités judiciaires dans d’autres pays devraient également enquêter et poursuivre en vertu de leurs lois nationales les personnes qui, de manière crédible, ont été impliquées dans de graves crimes commis dans le TPO et en Israël, selon le principe de la compétence universelle. Les gouvernements devraient aussi soutenir une déclaration politique forte qui traite des dommages causés aux populations civiles par les armes explosives et engage les États à éviter d’utiliser ces types d’armes à large rayon d’impact dans les zones peuplées.

« Israël et les autorités palestiniennes ont fait preuve de très peu d’empressement à s’occuper des abus commis par leurs forces, par conséquent les institutions judiciaires internationales et nationales devraient prendre l’initiative afin de briser le cercle vicieux des attaques illégales et de l'impunité pour les crimes de guerre », a affirmé Gerry Simpson. « Ces enquêtes devraient également prendre en compte le contexte plus large du conflit, notamment le bouclage dévastateur de Gaza par le gouvernement israélien et ses crimes d’apartheid et de persécution à l’encontre de millions de Palestiniens. »

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Articles

OLJ/AFP      RFI     Figaro/AFP

France Info      Journal du Québec

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