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Allemagne : Verdict imminent au procès concernant des actes de torture commis en Syrie

Il s’agit d’un moment décisif pour les survivant·e·s de la torture en Syrie

Un témoin livrant son témoignage au tribunal de Coblence, en Allemagne, le 16 juin 2021. Illustration © 2021 Moner Alkadri pour Human Rights Watch

(Berlin) – Le tribunal allemand où se déroule un procès décisif pour les survivant·e·s d’actes de tortures et pour la justice internationale devrait rendre son verdict en janvier 2022, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Le procès, dans le cadre duquel un ancien responsable présumé des services de renseignement syrien est accusé de crimes contre l’humanité, est le premier au monde qui concerne des actes de torture commis en Syrie et cautionnés par cet État.

Human Rights Watch a publié un document « questions-réponses » ainsi qu’un article de fond, qui visent à replacer ce procès dans son contexte et à mettre en lumière les principales difficultés qui l’entourent.

  • L’article de fond porte sur la lutte pour la justice des Syrien·ne·s, la mise en place du procès en Allemagne et ce que celui-ci signifie pour les survivant·e·s de crimes graves. Il s’appuie sur des notes d’observation du procès préparées pour Human Rights Watch depuis avril 2020, des rapports de recherche sur la Syrie, ainsi que des entretiens sonores réalisés par Human Rights Watch auprès de Syrien·ne·s et d’autres personnes concernées par le procès. Il contient également des liens vers des contenus audio, et les médias peuvent le republier gratuitement en vertu d’une licence Creative Commons. Pour en savoir plus à ce sujet, veuillez suivre ce lien.
  • Le document de questions-réponses apporte des informations sur les accusés, ainsi que sur les principaux faits qui ont émergé durant la procédure. Il explique également le concept de compétence universelle et le rôle des victimes dans ce procès, tout en évoquant les efforts que l’Allemagne déploie, de façon générale, pour enquêter sur les crimes graves et traduire leurs auteurs en justice en vertu du droit international. Enfin, il comporte des dessins réalisés dans la salle d’audience par un artiste syrien qui a observé le procès pour Human Rights Watch.

« De tels procès occupent une place croissante dans les actions menées au niveau international afin de rendre justice aux victimes ne disposant d’aucun autre recours, d’empêcher d’autres crimes et de garantir que certains pays ne deviennent pas un lieu de refuge pour des personnes qui bafouent les droits humains », a déclaré Balkees Jarrah, directrice adjointe du Programme Justice internationale de Human Rights Watch. « Ce procès nous rappelle que l’Allemagne ne protégera pas de criminels de guerre et que les auteurs d’atrocités devront en rendre compte. »

En avril 2020, un tribunal de la ville de Coblence, en Allemagne, a commencé à procéder aux auditions liées au procès de deux anciens membres présumés des services de renseignement syriens, Anwar R. et Eyad A., accusés de crimes contre l’humanité. Plus de 80 témoins, dont d’anciennes personnes détenues, des expert.e.s en affaires syriennes, des enquêteur.rice.s de la police et un médecin légiste, ont témoigné devant la cour.

Anwar R. est le plus haut représentant présumé du gouvernement syrien à être traduit en justice en Europe pour des crimes graves commis en Syrie. Les procureurs allemands l’accusent d’avoir supervisé la torture de détenu.e.s dont il avait la charge en tant que responsable de la section des enquêtes, au centre de détention de la direction générale du renseignement d’Al-Khatib, à Damas, également appelé « Branche 251 ».

Le 24 février 2021, Eyad A. a été condamné à quatre ans et demi de prison pour complicité de crimes contre l’humanité. Son avocat a fait appel du jugement. La procédure d’appel est en cours.

Le procès d’Anwar R. et d’Eyad D. est possible parce que la législation allemande reconnaît le principe de compétence universelle, qui autorise un État à enquêter sur certains des crimes les plus graves et à les poursuivre en vertu du droit international, quels que soient le lieu où ces crimes ont été commis et la nationalité des suspect.e.s et des victimes. L’Allemagne est dotée de plusieurs dispositifs lui permettant de mener à bien les enquêtes et les poursuites liées aux crimes graves commis en Syrie, notamment un cadre légal exhaustif, des unités efficaces spécialisées dans les crimes de guerre, et une expérience antérieure en matière de poursuite de tels crimes.

Les faits en cause dans ce procès laissent entrevoir les atrocités que le gouvernement syrien a perpétrées contre sa propre population entre 2011 et 2012, et ce procès était pour les victimes et leurs familles une occasion d’obtenir enfin justice, ce qui n’aurait pas été le cas sans cela. Depuis 2011, des dizaines de milliers de personnes sont détenues ou ont été enlevées en Syrie, en grande majorité par les forces gouvernementales, qui recourent à un vaste réseau de centres de détention à travers tout le pays.

Des milliers de personnes détenues par le gouvernement syrien sont décédées, soit sous la torture, soit en raison de conditions de détention abominables. Le gouvernement syrien continue d’emprisonner et d’infliger des mauvais traitements aux personnes vivant dans les zones sous son contrôle. Pour ces personnes et pour les atrocités commises en toute impunité en Syrie, l’exercice d’une procédure judiciaire globale est hors d’atteinte. Malgré cela, en 2014, la Russie et la Chine ont bloqué les initiatives du Conseil de sécurité des Nations Unies visant à confier à la Cour pénale internationale un mandat couvrant les crimes graves commis dans ce pays.

Le procès qui se déroule à Coblence démontre que les tribunaux, même s’ils se situent à des milliers de kilomètres du lieu des faits, peuvent jouer un rôle crucial dans la lutte contre l’impunité, a déclaré Human Rights Watch. Comme dans toute procédure pénale, le procès questionne la responsabilité pénale des individus, mais sa portée va probablement s’étendre bien au-delà de l’innocence ou de la culpabilité des deux accusés.

« Le procès de Coblence envoie aux autorités syriennes le message que personne n’est hors de portée dans la quête de justice », a conclu Balkees Jarrah. « Les pays dotés de lois reconnaissant le principe de compétence universelle devraient intensifier leurs propres efforts pour enquêter sur les crimes graves commis en Syrie et poursuivre leurs auteurs présumés. »

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