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ONU : Soutenir les efforts de justice impartiale pour les crimes de guerre en Ukraine

Un tel engagement international envers l’obligation de rendre des comptes pourrait aussi servir de modèle dans le cadre d’autres crises

Deux femmes assistaient de loin à l’exhumation de corps qui avaient été enterrés par les forces russes dans une fosse commune à Boutcha, en Ukraine. Cette exhumation était supervisée par les autorités ukrainiennes dans le cadre de leurs enquêtes sur des crimes de guerre perpétrés dans cette ville. © 2022 Laurel Chor / SOPA Images/Sipa USA via AP Images

(New York, le 27 avril 2022) – Les États membres du Conseil de sécurité des Nations Unies devraient saisir l’occasion d’une réunion informelle sur l’établissement des responsabilités pour les graves crimes commis en Ukraine, afin de mettre en lumière l’importance d’une justice impartiale et d’une coordination des divers efforts internationaux concernant l’obligation de rendre des comptes, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui.

Depuis le 24 février 2022, les forces russes ont pilonné de nombreuses villes ukrainiennes par le bais de frappes aériennes et de tirs d’artillerie, tuant et blessant des milliers de civils. Elles ont mené des attaques sans discernement, frappant des immeubles résidentiels, ainsi que des écoles et des hôpitaux, sur tout le territoire de l’Ukraine, semant dans leur sillage la mort et la destruction. Dans les secteurs qu’elles ont occupés, les forces russes ont apparemment commis des crimes de guerre, dont des exécutions sommaires, des actes de torture et des viols.

« Alors que le bilan des morts en Ukraine augmente, ainsi que les informations faisant état de nouveaux crimes de guerre, il incombe à la communauté internationale d’envoyer d’urgence aux individus qui commettraient ces crimes un avertissement très clair selon lequel des massacres gratuits pourraient un jour les mener vers une cellule de prison », a déclaré Ida Sawyer, directrice de la division Crises et conflits à Human Rights Watch. « Les gouvernements, les organisations internationales et la société civile doivent coopérer afin d’assurer qu’une justice effective et impartiale soit rendue pour les atrocités qui sont commises en Ukraine. »

Le 27 avril, l’Albanie et la France ont organisé une réunion selon la « formule Arria », c’est-à-dire une réunion informelle des membres du Conseil de sécurité, pour discuter des moyens par lesquels l’ONU pourrait soutenir et coordonner les efforts visant à établir les responsabilités pour les graves crimes commis en Ukraine. Cette réunion a été prévue avec la participation des experts suivants : le procureur de la Cour pénale internationale (CPI), Karim Khan ; la ministre albanaise des Affaires étrangères, Olta Xhaçka ; la procureure générale d’Ukraine, Iryna Venediktova ; la Haute-Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, Michelle Bachelet ; Amal Clooney de la Fondation Clooney pour la justice ; et la directrice de la division Crises et conflits de Human Rights Watch, Ida Sawyer.

Ces dernières semaines, la ville de Boutcha est devenue synonyme du mot « atrocités ». Mais des violations similaires et des crimes de guerre manifestes ont été commis ailleurs en Ukraine. Des chercheurs de Human Rights Watch se sont rendus dans des villages et des villes précédemment occupés par les forces russes et ont recueilli les récits de nombreux témoins, selon lesquels les forces russes ont commis des actes de torture, des disparitions forcées, des exécutions sommaires, des actes de pillage, des violences sexuelles et d’autres crimes. Les forces russes ont également eu recours à plusieurs reprises à des armes à sous-munitions et à d’autres armes explosives dans des villes ukrainiennes à forte densité de population.

À Marioupol, des dizaines de milliers de civils se trouvent pris au piège dans une ville transformée en ruines par d’incessants tirs d’artillerie, avec peu ou pas du tout de nourriture, d’eau, de médicaments, de chauffage ou de moyens de communication – et aucun moyen sûr de s’échapper. Beaucoup ont apparemment été transportés de force en Russie, ce qui équivaut à un crime de guerre. Le nombre de civils tués à Marioupol demeure incertain, mais les responsables locaux l’estiment à environ 20 000. Des éléments de preuve sont apparus, indiquant que les forces russes ont enterré certaines des victimes dans au moins deux vastes fosses communes dans des villages voisins.

Les enfants, les personnes âgées et les personnes handicapées sont en général affectés de manière disproportionnée lors des conflits armés, a rappelé Human Rights Watch.

Des gouvernements et des organes judiciaires internationaux ont lancé un certain nombre d’efforts en vue de l’établissement des responsabilités, en réponse à ces crimes commis en Ukraine. Le 2 mars, le procureur de la CPI a annoncé l’ouverture d’une enquête officielle sur la situation dans le pays, tandis que les autorités dans des pays comme la France, l’Allemagne, la Lithuanie et la Suède ont ouvert leurs propres enquêtes criminelles sur la base du principe de la compétence universelle des tribunaux nationaux. Le 4 mars, le Conseil des droits de l’homme de l’ONU a décidé, par un vote, de créer une commission internationale d’enquête afin de documenter les crimes de guerre et les violations des droits humains.

Les autorités ukrainiennes ont également ouvert leurs propres enquêtes criminelles. Pour soutenir ces efforts, de nombreux gouvernements ont offert à l’Ukraine une assistance, afin de renforcer ses capacités en matière judiciaire. En même temps, des organisations de la société civile nationales et internationales travaillent vigoureusement à la documentation des violations dès qu’elles sont commises.

Les organisations de la société civile ukrainiennes et internationales ont un rôle essentiel à jouer dans la quête de justice en Ukraine, y compris dans les domaines de la documentation, du renforcement des capacités, de la recherche et du plaidoyer, ainsi que dans le soutien aux victimes et aux communautés affectées. Les autorités devraient coopérer avec ces organisations afin d’instruire les processus judiciaires en cours, a déclaré Human Rights Watch.

Même si les forces russes ont commis la majorité des crimes de guerre manifestes, il y a eu également des informations sur des violations ukrainiennes des lois de la guerre. Human Rights Watch a exhorté les autorités ukrainiennes à enquêter sur des abus qui auraient été commis par les forces ukrainiennes à l’encontre de prisonniers de guerre russes. L’Ukraine devrait également enquêter sur des allégations selon lesquelles ses forces ont utilisé des armes à sous-munitions illégales, comme l’a affirmé le The New York Times, et faire rendre des comptes à quiconque est responsable de l’usage de telles armes. Les lois de la guerre s’appliquent à toutes les parties au conflit et l’Ukraine s’est engagée publiquement à adhérer à ces normes.

Bien que l’Ukraine ait reconnu la compétence de la CPI concernant les crimes qui auraient été commis sur son territoire depuis novembre 2013, elle n’est pas un État partie à la Cour. Elle devrait donc également ratifier le traité fondateur de la CPI et devenir officiellement membre de cette Cour. Les organisations de la société civile nationales et internationales pressent depuis des années le gouvernement ukrainien de rejoindre la Cour.

L’Ukraine devrait également mettre sa législation nationale pleinement en conformité avec le traité de la CPI et le droit international. Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, devrait ratifier un projet de loi adoptée en mai 2011 par le parlement ukrainien, qui pourrait faciliter le travail des autorités quand elles poursuivent sur leur territoire les auteurs de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. Harmoniser les lois nationales avec le droit international est d’une importance critique pour renforcer le système judiciaire national et l’État de droit, a déclaré Human Rights Watch.

Tous les acteurs qui se sont engagés dans de telles enquêtes devraient coopérer et collaborer pour en assurer l’efficacité, a ajouté Human Rights Watch. Ils devraient préserver les éléments de preuve en se conformant aux normes internationales généralement acceptées et sécuriser les sites de crimes. Les gouvernements devraient aussi soutenir l’Ukraine en développant et élargissant les capacités de ses enquêteurs, de ses procureurs et de ses tribunaux, et en l’aidant à mettre au point un cadre d’action pour le soutien aux victimes et la protection des témoins.

Les pays membres de l’ONU qui plaident pour la justice et l’établissement des responsabilités devraient faire en sorte que ces deux objectifs ne soient pas laissés de côté lors d’éventuelles négociations de paix. Il est important pour le long terme de ne pas faire de compromis avec la justice, a affirmé Human Rights Watch.

Le recours par le Conseil de sécurité à ce type de réunion informelle illustre sa paralysie sur l’Ukraine, due à la capacité de la Russie d’opposer son véto à toute action substantielle du Conseil. Le 25 février, la Russie a bloqué une résolution qui l’appelait à mettre fin à son invasion de l’Ukraine et au retrait du pays de toutes les forces russes du pays. En tant que partie au conflit, la Russie aurait dû s’abstenir lors de ce vote, selon l’article 27 (3) de la Charte de l’ONU, mais elle ne l’a pas fait.

Depuis lors, l’Assemblée générale de l’ONU a adopté trois résolutions condamnant la Russie, lors d’une Séance spéciale d’urgence sur l’Ukraine, dont l’une suspendant le droit de la Russie de siéger au Conseil des droits de l’homme de l’ONU. Cette session spéciale a été organisée en conformité avec la résolution « S’unir pour la paix » de 1950, qui habilite l’Assemblée générale à se saisir de questions relatives à la paix et à la sécurité internationales lorsqu’une ou plusieurs puissances dotées du droit de véto empêchent toute action du Conseil de sécurité.

Les États membres du Conseil de sécurité – et la Haute-Commissaire Bachelet – devraient profiter de la réunion du 27 avril pour démontrer la pertinence continue de l’ONU, en exprimant leur soutien à de futures actions de la part d’organes onusiens comme le Conseil des droits de l’homme et l’Assemblée générale, où la Russie ne dispose pas d’une capacité de véto. Ils devraient exprimer leur soutien à la CPI et aux organisations de défense des droits humains qui s’efforcent de rassembler des preuves de la commission de crimes de guerre.

Il faut garder en mémoire que le besoin d’une justice internationale ne se limite pas au conflit en Ukraine. Le soutien aux efforts d’établissement des responsabilités en Ukraine devrait devenir un exemple parfait pour une réponse de la communauté internationale à des crises et conflits ailleurs dans le monde, comme en Éthiopie, au Myanmar, en Palestine et au Yémen.

« L’empressement de la communauté internationale à soutenir la justice et l’établissement des responsabilités pour les crimes horribles commis en Ukraine devrait être la règle et non l’exception », a affirmé Ida Sawyer. « Si l’ONU, la CPI, les gouvernements nationaux et la société civile peuvent œuvrer ensemble pour documenter et préserver les preuves des crimes commis en Ukraine, cela pourrait servir de modèle pour l’avenir de la justice internationale. »

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