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Mexique : Il faut agir contre la violence persistante subie par les journalistes

Le nombre de meurtres de journalistes risque d’atteindre un niveau record en 2022

Des journalistes mexicains commémoraient des collègues tués, lors d'un rassemblement sur la place Zócalo à Veracruz, le 25 janvier 2022. Ils ont aussi renoué les appels à de plus fortes actions pour mettre fin aux violences dont sont victimes les journalistes dans ce pays. © 2022 Felix Marquez/picture-alliance/dpa/AP Images.

(Washington) – L'escalade de la violence contre les journalistes au Mexique porte gravement atteinte à la liberté de la presse, a déclaré Human Rights Watch le 3 mai, à l'occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse. Le président Andrés Manuel López Obrador devrait prendre des mesures urgentes pour renforcer le mécanisme de protection mis en place par le gouvernement fédéral, faire cesser le harcèlement des journalistes qui critiquent le gouvernement, et veiller à ce que les procureurs renforcent les efforts pour mettre fin à l'impunité quasi totale pour ces crimes.

Huit journalistes ont déjà été tués à ce jour en 2022 au Mexique – un chiffre déjà supérieur au nombre de journalistes tués au Mexique en 2021. Le Mexique se situe actuellement au deuxième rang du classement de nombre de journalistes tués dans le monde, selon le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) ; le pays le plus dangereux est l'Ukraine, où au moins 12 journalistes ont été tués en couvrant la guerre. Au Mexique, au moins 33 journalistes ont été tués dans le cadre de leur travail depuis l'entrée en fonction du président López Obrador en décembre 2018, selon le groupe de défense de la liberté de la presse Article 19.

« Cette année est en passe d'être la plus meurtrière pour les journalistes au Mexique », a déclaré Tyler Mattiace, chercheur auprès de la division Amériques à Human Rights Watch. « Le président López Obrador a non seulement échoué à lutter contre la violence contre les médias, mais il a aussi utilisé certaines conférences de presse quotidiennes pour harceler et intimider des journalistes. »

Le Mexique est l'un des pays les plus dangereux au monde pour les journalistes, comme l’indique le nombre élevé de meurtres chaque année. Les autorités mexicaines n’enquêtent que rarement sur ces crimes, et ne poursuivent que rarement les responsables. Le mécanisme de protection des journalistes mis en place par le gouvernement fédéral ne répond que partiellement aux besoins dans ce domaine.

L'impunité est la norme pour la plupart des crimes au Mexique, y compris les meurtres de journalistes. Créé en 2010, le Bureau du procureur spécial pour les crimes contre la liberté d'expression (Fiscalía Especial para la Atención de Delitos cometidos contra de la Libertad de Expresión, FEADLE) a mené à ce jour 105 enquêtes sur des meurtres de journalistes ; mais seules six enquêtes ont abouti à des condamnations. Face à la vague de violence, de nombreux journalistes s'autocensurent.

Des responsables de l'administration López Obrador ont affiché les noms et les photos de personnes qui, selon eux, sont responsables de meurtres de journalistes lors de certaines conférences de presse quotidiennes du président, souvent accompagnées d’une promesse d’« impunité zéro ». Habituellement, ces personnes ont été détenues par les autorités étatiques ou fédérales, mais n'ont pas encore été jugées ou condamnées pour ces crimes, et parfois n'ont pas encore comparu devant un juge.

Cette démonstration d'activité des forces de l'ordre ne garantit toutefois pas que les responsables de meurtres de journalistes seront traduits en justice, a observé Human Rights Watch. La plupart de ces affaires n'avancent jamais au-delà du stade de l'enquête initiale, même lorsque les autorités ont identifié un suspect. Selon l’organisme de recherche México Evalúa, seulement 2,5 % de toutes les enquêtes criminelles au Mexique ont abouti à une mise en accusation en 2020, et un peu moins de 0,3 % des affaires ont fait l’objet d’un procès. Environ 95 % de tous les crimes à l'échelle nationale finissent par ne pas être résolus, selon México Evalúa.

En outre, le président López Obrador a adopté une attitude hostile envers les journalistes indépendants. Il pointe souvent du doigt les journalistes qui critiquent son administration, citant leurs noms et d'autres informations personnelles lors de ses conférences de presse quotidiennes du matin. Dans certains cas, il a accusé des journalistes d'être « corrompus » ou « criminels », manifestement afin de les harceler et intimider.

Le gouvernement fédéral et les États ont mis en place des mécanismes de protection pour les journalistes et les défenseurs des droits humains. Ces mécanismes fournissent des systèmes de caméras, des boutons de panique, une protection policière et une aide à la relocalisation pour les journalistes menacés. Au 29 avril 2022, le mécanisme fédéral, créé en 2012, couvrait 521 journalistes et 1 045 défenseurs des droits humains menacés.

Ces mécanismes jouent un rôle important mais présentent de graves lacunes et n'ont pas été en mesure de répondre à tous les besoins de protection, a déclaré Human Rights Watch. Le mécanisme de protection fédéral est régulièrement à court de financement et manque chroniquement de personnel, ont déclaré à Human Rights Watch des membres de son organe directeur. Cela est aggravé par le fait que le nombre de personnes en quête de protection a presque doublé depuis 2018.

L'administration López Obrador a proposé une refonte majeure du système de protection et a déclaré qu'elle prévoyait d'envoyer un projet de loi de réforme au Congrès en septembre.

Le Rapporteur spécial pour la liberté d'expression auprès de la Commission interaméricaine des droits de l'homme (CIDH) a déclaré que López Obrador devrait cesser d'essayer d'intimider les médias, et reconnaître l’ampleur de la crise de la violence contre les journalistes au Mexique.

Communiqué complet en anglais : en ligne ici.

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