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Liban : L’ONU devrait établir une mission d’enquête sur l’explosion du port de Beyrouth

Deux ans après cette tragédie, les survivants se tournent vers le Conseil des droits de l’homme

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Cherbel a appelé à 18 heures. Il a parlé à notre fille. Elle était assise sur sa chaise haute. Il a dit : « Regarde papa, je suis dans le camion de pompiers. On va éteindre un incendie. »

J’ai senti cette chaleur très intense sur mon visage.

J’étais effrayée. Ils avaient l’air de dormir. Ou étaient-ils morts ?

Ma fille n’a que trois ans maintenant. Si elle me demande : «  Qui l’a tué ? » Que vais-je lui dire  Dois-je lui dire que je ne sais pas ? Que je ne sais pas qui l’a tué ? Que nous, au Liban, n’avons pas pu découvrir [la vérité] ? Non.

Cher Conseil des droits de l’homme. Nous comptons sur vous, car nous ne pouvons pas compter sur notre propre gouvernement.

Cher Conseil des droits de l’homme. En l’absence de vérité, nous ne pouvons pas aller de l’avant.

Le Liban attend.

(Beyrouth) – Lors de sa session de septembre 2022, le Conseil des droits de l’homme de l’ONU devrait adopter une résolution afin de créer une mission d’enquête impartiale sur l’explosion qui a dévasté le port de Beyrouth, a demandé aujourd’hui une coalition de 11 organisations de défense des droits humains, dont Human Rights Watch, à l’occasion du deuxième anniversaire de la tragédie. Voici leur déclaration :

Nous, soussignés, organisations libanaises et internationales, appelons les membres du Conseil des droits de l’homme de l’ONU à mettre aux voix un projet de résolution lors de sa prochaine session en septembre 2022 afin d’envoyer à Beyrouth, dans les meilleurs délais, une mission indépendante et impartiale pour enquêter sur l’explosion du 4 août 2020. La mission devrait déterminer les faits et les circonstances, y compris les causes profondes de l’explosion, en vue d’établir les responsabilités étatiques et individuelles et de soutenir la justice pour les victimes.

L’explosion du port de Beyrouth a été l’une des plus grandes déflagrations non nucléaires de l’histoire mondiale. Elle a envoyé des ondes de choc à travers la ville, tuant au moins 220 personnes, en blessant plus de 7 000, et causant d’importants dégâts matériels. Une enquête préliminaire menée par Human Rights Watch accrédite l’implication potentielle de compagnies étrangères, ainsi que de hauts responsables politiques et sécuritaires libanais.

Deux ans plus tard, l’enquête conduite à l’échelle nationale stagne, sans aucun progrès tangible. Les autorités libanaises en ont entravé à plusieurs reprises le déroulement, en épargnant des interrogatoires, des poursuites judiciaires et des arrestations à des hommes politiques et autres individus responsables. Human Rights Watch, Amnesty International, Legal Action Worldwide, Legal Agenda et la Commission internationale des juristes ont relevé toute une série de vices de procédure et de défauts systémiques dans la conduite de cette enquête, notamment une ingérence politique flagrante, l’immunité accordée à des responsables politiques de haut niveau, le non-respect des normes relatives à l’équité des procès et les violations des droits de la défense.

Les hommes politiques soupçonnés dans cette affaire ont déposé plus de 25 demandes de révocation du juge qui dirige l’enquête, Tarek Bitar, et d’autres magistrats saisis de l’affaire, entraînant la suspension répétée de l’enquête pendant l’instruction des affaires. La dernière série de contestations judiciaires déposées contre le juge Bitar a entraîné la suspension de l’enquête depuis le 23 décembre 2021.

Il est aujourd’hui plus que jamais évident que l’enquête nationale ne peut rendre justice aux victimes, exigeant l’établissement le plus rapidement possible d’une mission d’enquête internationale mandatée par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU.

« Je respire encore, mais je suis morte à l’intérieur », a confié Mireille Khoury, mère d’Elias Khoury, tué par l’explosion à l’âge de 15 ans. « C’est mon droit de savoir pourquoi mon fils m’a été enlevé et qui est responsable. C’est le droit de mon fils et le mien. Jusqu’à présent, le Liban et la communauté internationale nous ont laissés tomber, nous, les victimes et les survivants de l’explosion. »

Les survivants et familles des victimes ont précédemment adressé deux lettres aux États membres et observateurs du Conseil des droits de l’homme, les exhortant à soutenir une résolution établissant une telle enquête internationale. Une autre lettre, restée sans réponse, a été adressée à la Haute-Commissaire aux droits de l’homme en mars 2022. La communauté internationale n’a pas tenu compte de leurs demandes concernant l’importance de faire toute la lumière sur l’explosion, afin de briser le cycle d’impunité à un moment crucial de l’histoire libanaise.

« Alors que les autorités continuent d’entraver et de retarder de manière flagrante l’enquête nationale en cours sur l’explosion du port, une enquête internationale est la seule solution pour que justice soit rendue », a conclu Diana Semaan, directrice adjointe par intérim d’Amnesty International. « Les autorités libanaises ont tragiquement échoué à protéger la vie des habitants et s’opposent depuis au combat judiciaire des victimes. »

L’explosion de Beyrouth est une tragédie d’une ampleur historique, résultant de l’incapacité à protéger le droit fondamental à la vie, et son impact se fera ressentir bien au-delà de la reconstruction de la ville. Établir la vérité sur ce qui s’est passé le 4 août 2020 est un fondement essentiel pour apporter les réparations adéquates et aller de l’avant, ainsi que pour réduire le risque que des catastrophes similaires ne se reproduisent à l’avenir.

Les milliers de personnes dont les vies ont été brisées et les millions d’autres qui ont vu leur capitale détruite ne méritent rien de moins.

« Alors que l’enquête nationale piétine depuis deux ans, nous demandons une mission d’enquête indépendante et impartiale sur l’explosion du port de Beyrouth », a déclaré Antonia Mulvey, directrice exécutive de Legal Action Worldwide. « Il est absolument vital d’obtenir justice et de découvrir la vérité, non seulement pour les victimes, les survivants et leurs familles, mais aussi pour le Liban, qui ne peut se reconstruire sur des fondations branlantes. »

Organisations signataires :

Amnesty International

HELEM

Human Rights Research League

Human Rights Watch

Legal Action Worldwide

Mwatana pour les droits de l’homme

L’initiative de justice socio-économique - MAAN et Beirut607

La fondation Suisse Accountability Now

L'Institut Tahrir pour la politique du Moyen-Orient (TIMEP)

Ligue Tunisienne pour les droits de l'homme

Dr Nasser Saidi

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