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Mines terrestres : Recours par quelques pays en 2023 à ces armes interdites

Le rapport « Landmine Monitor 2023 » dresse un état des lieux de la mise en œuvre de la Convention sur l’interdiction des mines antipersonnel

 

Un membre d’une équipe de déminage de l’organisation DCA utilisait un détecteur de mines dans une zone boisée suspectée d'être contaminée par des restes d’engins explosifs de guerre à Pajok, au Soudan du Sud, en février 2023. © 2023 Rasmus Emil Gravesen/DCA
  • La Russie, le Myanmar et l’Ukraine ont utilisé des mines terrestres antipersonnel au cours de l’année écoulée, ainsi que des groupes armés dans au moins cinq autres pays, selon le rapport annuel Landmine Monitor 2023.
  • Les mines antipersonnel sont des engins explosifs activés par la victime, qui tuent et mutilent pendant les conflits et longtemps après.
  • Les pays qui n’ont pas encore banni les mines terrestres antipersonnel devraient reconsidérer leur position et adhérer au traité international les interdisant.

(Genève) – La Fédération de Russie, le Myanmar et l’Ukraine ont utilisé des mines terrestres antipersonnel au cours de l’année écoulée, tout comme des groupes armés dans au moins cinq autres pays, a déclaré aujourd’hui Human Right Watch à l’occasion de la publication du Landmine Monitor 2023, le rapport annuel chargé d’évaluer la mise en œuvre du traité international interdisant ces armes.

Couverture du rapport « Landmine Monitor 2023 » (« Rapport de l’Observatoire des mines terrestres 2023 »), montrant une démineuse dans la région de Ziguinchor, en Casamance, dans le sud du Sénégal.  © 2022 M. Simoncelli/HI

Le rapport Landmine Monitor 2023 (120 pages) est publié par la Campagne internationale pour l’interdiction des mines terrestres (International Campaign to Ban Landmines, ICBL), la coalition mondiale d’organisations non gouvernementales que préside Human Rights Watch, et qui a reçu le prix Nobel de la paix en 1997. Ce rapport sera présenté lors de la réunion annuelle    des États parties à la Convention sur l’interdiction des mines antipersonnel, qui se tiendra au Palais des Nations à Genève, du 20 au 24 novembre.

« Tous les pays qui n’ont encore pas interdit les mines antipersonnel devraient contribuer à mettre fin aux pertes et aux souffrances causées par ces armes utilisées sans discernement », a déclaré Mark Hiznay, directeur adjoint de la division Armes à Human Rights Watch et rédacteur en chef du rapport. « Seule une adhésion universelle au traité d’interdiction pourra permettre de parvenir à son objectif d’un monde exempt de mines antipersonnel. »

La Russie a utilisé des mines antipersonnel à plusieurs reprises en Ukraine depuis son invasion à grande échelle du pays le 24 février 2022, une situation sans précédent dans laquelle un pays non-partie à la Convention sur l’interdiction des mines antipersonnel se sert de ces engins sur le territoire d’un État partie à cet instrument. Les forces armées du Myanmar utilisent des mines antipersonnel continuellement depuis 1999. Les autorités ukrainiennes ont déclaré en septembre qu’elles enquêtaient sur les circonstances de l’utilisation par leurs forces de mines antipersonnel dans et autour de la ville d’Izioum, dans la province de Kharkiv, en 2022, alors que la ville était sous contrôle russe.

Des groupes armés non étatiques ont recouru aux mines antipersonnel dans au moins cinq pays – la Colombie, l’Inde, le Myanmar, la Thaïlande et la Tunisie – durant la période allant de la mi-2022 à la fin du premier semestre 2023. Il s’agissait principalement de mines improvisées activées par les victimes et conçues à partir de matériaux disponibles localement. La Convention internationale interdit pourtant tous les engins explosifs activés par les victimes, qu’il soient produits dans des usines ou bricolés localement.

Les mines antipersonnel sont des engins explosifs qui tuent et mutilent pendant et longtemps après les conflits. Ils sont placés au-dessus, en dessous ou à même le sol et explosent sous l’effet de la présence, de la proximité ou du contact d’un être humain, sans aucune distinction entre soldats et civils. Elles sont généralement installées manuellement, mais peuvent également être disséminés par des avions, des roquettes et des tirs d’artillerie, ou à partir de véhicules spécialisés. Les mines terrestres non éliminées représentent un danger jusqu’à leur éradication ou leur destruction. Les sols infestés de mines peuvent entraîner le déplacement de la population civile, entraver l’acheminement de l’aide et compromettre l’exploitation agricole.

La Convention sur l’interdiction des mines antipersonnel, adoptée en septembre 1997, interdit totalement les mines antipersonnel et fait obligation aux pays de détruire leurs stocks, de nettoyer les zones infestées et de prêter assistance aux victimes. Au total, 164 pays sont des États parties au traité, dont tous les membres de l’OTAN, à l’exception des États-Unis. Aucun n’a adhéré à cet instrument juridique depuis la Palestine et le Sri Lanka en 2017. En juin 2022, le président Joe Biden a indiqué que les États-Unis adhèreraient à terme au traité, réalignant la position américaine sur la plupart des interdictions fondamentales du traité. Les pays qui n’ont pas encore interdit les mines terrestres antipersonnel devraient reconsidérer leur position et adhérer à la Convention, a recommandé Human Rights Watch.

Parmi les autres constations majeures de Landmine Monitor 2023 figurent les suivantes :

  1. Il y a eu au moins 4 710 nouvelles victimes de mines terrestres et de restes explosifs de guerre dans 51 pays en 2022, dont 1 661 décès.
  2. La Syrie, qui n’est pas un État partie au traité interdisant les mines terrestres, a enregistré le plus grand nombre de victimes annuelles en 2022 (834) pour la troisième année consécutive. L’Ukraine (État partie au traité) a enregistré le deuxième plus grand nombre de victimes (608), suivie par le Yémen (également État partie au traité) et par le Myanmar (État n’ayant pas adhéré au traité, qui ont chacun enregistré plus de 500 victimes en 2022.
  3. Les civils représentaient 85 % de toutes les victimes enregistrées en 2022, et les enfants la moitié des victimes civiles là où l’âge a pu être enregistré.
  4. En 2022, le soutien mondial à la lutte contre les mines, y compris le déminage et l’assistance aux victimes, s’est élevé à 798,4 millions de dollars, en hausse par rapport aux 543,5 millions fournis en 2021. L’Ukraine était en tête de liste des bénéficiaires en 2022, avec des aides d’un montant de 162,3 millions de dollars.
  5. Depuis l’entrée en vigueur de la Convention sur l’interdiction des mines antipersonnel le 1er mars 1999, 33 États parties ont achevé le déminage de l’ensemble de leur territoire.
  6. Au total, 219,31 kilomètres de terres contaminées ont été assainies en 2022, entraînant la destruction de 169 276 mines antipersonnel.

Conformément aux exigences de la Convention sur l’interdiction des mines antipersonnel, 94 États parties ont collectivement détruit plus de 55 millions de mines terrestres qui figuraient parmi leurs stocks. Le Sri Lanka a été le dernier État partie à détruire ses stocks, en octobre 2021. La Grèce et l’Ukraine possèdent toutes deux des stocks de mines antipersonnel, mais n’en ont détruit aucun en 2022 ni lors du premier semestre 2023. La Grèce a déclaré en juin qu’elle transférait ses stocks restants vers la Croatie, où ils seraient détruits au cours des 18 prochains mois. L’Ukraine a indiqué que les sites de stockage où étaient entreposées autrefois ses 3,3 millions de mines antipersonnel de catégorie PFM avaient été « la cible d’attaques aériennes et de missiles » par la Russie ou étaient situés dans des zones de combats. L’Ukraine a demandé du temps pour procéder à un audit et à une vérification des stocks.

« Les interdictions des mines antipersonnel inscrites dans la Convention sont mises à l’épreuve, notamment par l’utilisation d’engins explosifs improvisés par des groupes armés non étatiques », a conclu Mark Hiznay. « Les gouvernements devraient veiller à mettre des ressources adéquates au service de la mise en œuvre des exigences du traité, afin que les avantages de l’adhésion soient clairs pour tous. »

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