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Arabie saoudite : Des abus meurtriers en dépit d’une vaste campagne de relations publiques

Meurtres de masse à la frontière du Yémen, peines de mort et longues peines de prison continuent d’être commis

Des spectateurs assistaient au début du tournoi LIV Golf Invitational - Jeddah au Royal Greens Golf & Country Club, dans la Ville économique Roi Abdallah (King Abdullah Economic City), en Arabie saoudite, le 14 octobre 2022. © 2022 Joe Scarnici/LIV Golf via Getty Images

(Beyrouth) – En 2023, les autorités saoudiennes ont tué des centaines de migrants à la frontière du pays avec le Yémen, ce qui pourrait constituer des crimes contre l'humanité, alors même qu’elles dépensaient des milliards de dollars pour améliorer leur image, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui dans son Rapport mondial 2024. Le gouvernement saoudien a également condamné des personnes à des peines de plusieurs dizaines d’années de prison ou à la peine de mort pour leurs activités sur les réseaux sociaux, en plus de leur avoir imposé des procès inéquitables et des pratiques de détention abusives.

« Le gouvernement saoudien utilise son Fonds public d’investissement (FIP) pour étendre son influence et financer des événements sportifs fastueux et tenter de masquer ses violations systématiques des droits humains », a déclaré Joey Shea, chercheuse sur l’Arabie saoudite à Human Rights Watch. « Les milliards de dollars qu’il investit ne devraient pas l'exonérer d’un examen critique de son bilan déplorable en matière de droits, y compris de ce qui pourrait constituer des crimes contre l’humanité ».

Dans son Rapport mondial 2024, sa 34e édition qui compte 740 pages, Human Rights Watch analyse les pratiques en matière de droits humains dans plus de 100 pays. Dans son essai introductif, la directrice exécutive Tirana Hassan affirme que 2023 a été une année lourde de conséquences, non seulement à cause de la répression des droits humains et des atrocités liées aux conflits armés, mais aussi en raison de l’indignation sélective et de la diplomatie transactionnelle. Ces pratiques gouvernementales, indique-t-elle, ont profondément porté atteinte aux droits de tous ceux restés en marge de « deals » inavoués. Une voie différente et porteuse d’espoir est possible, affirme-t-elle cependant, appelant les gouvernements à rester cohérents en respectant leurs obligations en matière de droits humains.

Les garde-frontières saoudiens ont tué au moins des centaines de migrants et demandeurs d’asile éthiopiens qui tentaient de traverser la frontière entre le Yémen et l’Arabie saoudite entre mars 2022 et juin 2023. S’il était avéré qu’ils ont été commis dans le cadre d’une politique délibérée du gouvernement saoudien visant à tuer des migrants, ces meurtres constitueraient un crime contre l’humanité.

Le prince héritier, Mohammed ben Salmane, a consolidé le pouvoir économique en Arabie saoudite, tout particulièrement via le fonds souverain du pays, le Fonds public d’investissement (FPI), qui gère environ 700 milliards de dollars de capitaux et sur lequel il exerce un pouvoir de décision unilatéral, avec très peu de transparence ou de mécanismes de contrôle.

En juin, la fusion annoncée entre le FPI et l’Association des golfeurs professionnels (Professional Golfers’ Association, PGA) a concrètement facilité les efforts du gouvernement saoudien pour « blanchir par le sport » son bilan déplorable en matière de droits humains, en le plaçant dans une position sans précédent d’influence et de contrôle aux échelons les plus élevés du golf professionnel. Cet accord est opaque, a fait l’objet de contrôles et ne semble pas encore finalisé.

Les utilisateurs des réseaux sociaux sont de plus en plus souvent pris pour cible par les autorités saoudiennes et punis de peines de plusieurs dizaines d’années de prison et même parfois de la peine de mort, simplement pour avoir exercé leur droit à la liberté d’expression. En juillet, la tristement célèbre Cour pénale spécialisée du pays a déclaré coupable un enseignant à la retraite, Muhammad al-Ghamdi, de plusieurs infractions pénales relatives à son activité pacifique sur les réseaux sociaux et l’a condamné à mort. Les juges et les procureurs ont aussi recours à des lois vagues sur la cybercriminalité pour réprimer des personnes soupçonnées d’avoir eu des relations sexuelles hors mariage.

Des défenseuses des droits des femmes, dont Loujain al-Hathloul, demeurent sous le coup d’une interdiction de voyager et d’une peine de prison avec sursis, ce qui permet aux autorités de les renvoyer en prison. D'autres militants des droits humains restent emprisonnés arbitrairement sur la base d’inculpations liées à l'exercice de leur droit à la liberté d’expression.

L'Arabie saoudite a aussi recours à certaines dispositions de la loi antiterrorisme pour réprimer la dissidence et cibler les minorités religieuses. Sabri Shalabi, 66 ans, un médecin égyptien, purge actuellement une peine de 10 ans de prison au terme d’un procès apparemment inéquitable lors duquel il a dû répondre d’accusations de terrorisme, portées en représailles pour une querelle d’ordre professionnel.

En janvier, l’Arabie saoudite a obtenu l’extradition du Maroc de Hassan al-Rabea et a entrepris de le poursuivre pour des accusations de terrorisme. Ceci a fait suite au ciblage d’autres membres de la famille al-Rabea pour de prétendues infractions relatives à la participation à des manifestations et au terrorisme, dont l’une est passible de la peine de mort. En juin, les autorités saoudiennes ont exécuté deux hommes, citoyens de Bahreïn et de confession chiite, à l’issue d’un procès pour terrorisme qu’Amnesty International a décrit comme « extrêmement inéquitable ».

Les autorités saoudiennes continuent d’appliquer la peine de mort, même pour des crimes non violents. En mars, elles ont exécuté Hussein Abu al-Kheir après l’avoir déclaré coupable d’un crime non violent relatif à la drogue, en dépit d’allégations selon lesquelles il avait subi des tortures et que ses aveux avaient été extorqués.

Les autorités saoudiennes continuent d’imposer le système abusif de la kafala (parrainage pour l’obtention d’un visa) aux travailleurs migrants. En dépit de récentes réformes, le kafala continue de rendre ces travailleurs vulnérables à toutes sortes d’abus, notamment au travail forcé.

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