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Des gouvernements ciblent des ressortissants vivant à l’étranger

Les meurtres, les enlèvements et d’autres abus menaçant les droits exigent une réponse politique forte de la part des autres États

© 2024 Brian Stauffer pour Human Rights Watch
  • De nombreux gouvernements à travers le monde agissent au-delà de leurs frontières et commettent des violations des droits humains contre leurs propres ressortissants ou leurs anciens citoyens, afin de réduire au silence ou de décourager toute dissidence.
  • Parmi les méthodes de « répression transnationale » figurent des meurtres, des enlèvements, des rapatriements illégaux, l’usage abusif de services consulaires, le ciblage et la punition collective de membres des familles, ainsi que des attaques électroniques.
  • Les autres gouvernements devraient identifier la répression transnationale comme étant une menace particulière pour les droits humains, offrir leur protection aux victimes et prendre des mesures pour s’assurer qu’ils ne se rendent pas complices de ces abus.

(New York, le 22 février 2024) – De nombreux gouvernements à travers le monde agissent au-delà de leurs frontières et commettent des violations des droits humains contre des citoyens ou anciens citoyens de leurs pays, afin de réduire au silence ou de décourager toute dissidence, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport rendu public aujourd’hui. Ces abus empêchent de nombreuses personnes de trouver la sécurité pour elles-mêmes ou pour leurs familles. Les autres gouvernements et les institutions internationales devraient prendre des mesures concrètes pour lutter contre ce qui est souvent appelé la « répression transnationale », tout en évitant d’engendrer eux-mêmes par inadvertance de nouvelles violations des droits humains.

Ce rapport de 46 pages, intitulé « “We Will Find You”: A Global Look at How Governments Repress Nationals Abroad »  (« “Nous vous retrouverons : Comment des gouvernements à travers le monde répriment leurs ressortissants à l'étranger » - résumé et recommandations en français), analyse dans le contexte des droits humains la manière dont des gouvernements ciblent des dissidents, des activistes, des opposants politiques et d’autres personnes qui vivent à l’étranger. Human Rights Watch a examiné des meurtres, des rapatriements de force, des enlèvements et des disparitions forcées, des actes de punition collective de proches, des abus commis par des services consulaires et des attaques électroniques. Le rapport met également en lumière le ciblage par ces gouvernements de femmes qui fuient des abus, ainsi que leur utilisation abusive d’Interpol.

« Les gouvernements, les Nations Unies et les autres organisations internationales devraient reconnaître la répression transnationale comme une menace spécifique pour les droits humains », a déclaré Bruno Stagno, responsable principal du plaidoyer à Human Rights Watch. « Ils devraient élaborer de manière prioritaire des réponses politiques fortes à cette menace, dans un cadre conforme aux droits humains, et soutenir les droits des personnes et des communautés affectées. »

Le rapport cite plus de 75 cas d’abus commis par au moins 25 gouvernements, qui ont été précédemment documentés par Human Rights Watch. Parmi ces pays figurent l’Algérie, l’Arabie saoudite, l’Azerbaïdjan, Bahreïn, le Belarus, le Cambodge, la Chine, l’Égypte, les Émirats arabes unis, l’Éthiopie, l’Iran, le Kazakhstan, la Russie, le Rwanda, le Soudan du Sud, le Tadjikistan, la Thaïlande, le Turkménistan et la Turquie. Ces cas ne constituent pas une liste exhaustive, mais ils offrent un aperçu de ces pratiques dans quatre régions différentes.

La répression transnationale peut avoir des effets d’une grande portée, remettant gravement en cause le droit aux libertés d’expression, d’association et de réunion des personnes qui sont ciblées, ou qui craignent de l’être.

Les cas examinés par Human Rights Watch montrent comment ces gouvernements ont pris pour cible des défenseurs des droits humains, des journalistes, des activistes de la société civile, des opposants politiques et d’autres personnes qu’ils considèrent comme des menaces. Un dissident s’est entendu dire par les autorités de son gouvernement : « Nous vous retrouverons et nous vous tuerons ». Peu après, il a disparu et on est sans nouvelles de lui depuis lors.

De nombreuses victimes sont des demandeurs d’asile ou des réfugiés dans un nouveau pays. Des responsables gouvernementaux de son pays d’origine ont dit à une victime que si elle s’exprimait publiquement, cela « finirait par lui coûter la vie ». Les familles des personnes ciblées qui sont restées au pays peuvent aussi devenir victimes. Une personne ciblée a déclaré : « S’ils ne peuvent pas vous avoir, ils s’en prendront à vos proches ».

Certaines victimes se sont retrouvées de nouveau aux mains du gouvernement qu’ils avaient fui après avoir été illégalement extradés ou renvoyés dans leur pays d’origine. Ces gouvernements recourent également aux enlèvements et aux disparitions forcées. Des personnes ont été enlevées devant leur domicile ou même à bord de vols commerciaux. Les disparitions forcées ont conduit à d’autres graves violations des droits, comme des tortures ou des exécutions extrajudiciaires. 

Certains gouvernements ont cherché à obtenir le retour de certaines personnes par le truchement de l’Organisation internationale de police criminelle, Interpol, en émettant une « Notice rouge », c’est-à-dire une demande non contraignante adressée aux services chargés de l’application de la loi de tous les pays membres d’Interpol à l’effet de localiser une personne et de procéder à son arrestation provisoire. Ils ont émis des Notices rouges sur la base de motifs politiques, y compris de manière non conforme aux règles et normes d’Interpol, sous des accusations sans fondement, afin d’inciter d’autres gouvernements à localiser les personnes qu’ils ciblent à l’étranger.

Des gouvernements ont pris pour cible les membres des familles de dissidents restés au pays, en représailles pour les activités de ce dissident à l’étranger. Des proches ont été harcelés, menacés, arrêtés et détenus arbitrairement, interdits de voyager à l’étranger, ou même tués.

Des gouvernements ont utilisé des logiciels espions pour surveiller des défenseurs des droits ou pour harceler en ligne des personnes qui les critiquaient ouvertement. Ces formes électroniques de répression transnationale constituent de graves violations de droits, parmi lesquels le droit au respect de la vie privée.

Les autres gouvernements devraient mettre les victimes au cœur de leur réponse à ces formes de répression, a déclaré Human Rights Watch. Ils devraient être particulièrement conscients des risques encourus par les communautés de réfugiés et de demandeurs d’asile, et des craintes dans lesquelles elles vivent. Ils devraient dénoncer les cas de répression transnationale quand il est possible de le faire sans mettre quiconque en danger, enquêter et poursuivre en justice les responsables, et légiférer si leurs lois actuelles sont inadéquates.

Les Nations Unies devraient créer un poste de « Rapporteur spécial sur la répression transnationale », qui serait chargé de rendre compte des tendances et des efforts des différents gouvernements pour faire face à cette menace. Interpol devrait établir des critères en matière de droits humains à observer par ses États membres pour pouvoir émettre des Notices rouges, et soumettre les gouvernements connus pour leur piètre bilan en matière de droits humains à un examen approfondi lorsqu’ils émettent des Notices rouges.

« Les recherches effectuées par Human Rights Watch illustrent les graves implications en termes de droits de la répression transnationale pour les victimes et leurs familles à travers le monde », a affirmé Bruno Stagno. « Les gouvernements devraient consacrer des ressources pour comprendre comment la répression transnationale se produit sur leurs territoires, et prendre les mesures nécessaires pour mieux protéger des personnes qui y étaient venues en quête de sécurité. »

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Médias

La Croix

 

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