Skip to main content

Tchad

Événements de 2023

Le président du Conseil de transition du Tchad, Mahamat Idriss Déby Itno (à droite), et le Chef d'état-major de l'armée tchadienne, le général Abakar Abdelkerim Daoud (à gauche), lors des célébrations de la 63e fête de l'indépendance à N'Djamena, au Tchad, le 11 août 2023.

© 2023 DENIS SASSOU GUEIPEUR/AFP via Getty Images

Avril 2023 a marqué le deuxième anniversaire de l'arrivée au pouvoir de Mahamat Idriss Déby Itno, qui s’est déclaré chef du Conseil militaire de transition (CMT) à la suite du décès soudain de son père Idriss Déby Itno, président du Tchad depuis 1990. Un nouveau projet de constitution proposé par le gouvernement de transition a été adopté en juin par 96% des membres du Conseil national de transition (CNT), qui a remplacé l’Assemblée nationale lors de sa dissolution après la mort d’Idriss Déby Itno. Au moment de la rédaction de ce rapport, un référendum public sur la nouvelle constitution était prévu pour décembre. Des élections présidentielles sont prévues pour 2024.

Dans le nord du pays, les mouvements rebelles sont restés actifs, tandis que les tensions entre le gouvernement de transition et le groupe d’autodéfense Miski sont toujours vives, malgré un accord de paix signé en janvier.

Un autre groupe rebelle s’est formé dans le sud du Tchad au début de l'année 2023, le long de la frontière avec la République centrafricaine. En janvier, le gouverneur de la province méridionale du Logone-Oriental a confirmé l’existence de ce groupe rebelle, déclarant qu’il devait être vaincu. Son émergence a coïncidé avec une recrudescence des violents affrontements entre des communautés d'éleveurs et d'agriculteurs dans le sud.

À ce jour, aucune responsabilité n’a été établie pour la violente répression du 20 octobre 2022 contre les manifestations dans plusieurs villes du pays, qui ont fait de nombreux morts et blessés. Les conclusions d’une enquête diligentée par la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC) n’ont pas encore été rendues publiques.

Au moins 72 membres et sympathisants du parti les Transformateurs, une formation politique d’opposition, ont été arrêtés en octobre et détenus pendant trois semaines au siège de l'Agence nationale de sécurité avant d’être remis en liberté. Les membres du parti faisaient de l’exercice tôt le matin avant une réunion préparatoire au retour de Succès Masra, le président des Transformateurs, qui avait quitté le pays après la répression du 20 octobre 2022. Succès Masra est rentré au Tchad début novembre après que son arrivée en toute sécurité a été négociée à Kinshasa, en République démocratique du Congo.

Les combats au Soudan, qui ont débuté en avril entre les Forces armées soudanaises (Sudanese Armed Forces, SAF) et les Forces de soutien rapide (Rapid Support Forces, RSF), ont provoqué des déplacements massifs de populations et contraint plus de 420 000 réfugiés soudanais à chercher refuge au Tchad, où se trouvaient déjà environ 580 000 réfugiés et demandeurs d’asile, mettant à rude épreuve une réponse humanitaire insuffisamment financée.

Suite des manifestations du 20 octobre 2022

En octobre 2022, des milliers de personnes ont manifesté dans les rues de N’Djamena, la capitale, et d’autres villes du sud pour marquer la date à laquelle l’administration militaire avait initialement promis de transférer le pouvoir à un gouvernement civil. Avant ces rassemblements, le gouvernement de transition avait à plusieurs reprises réprimé dans la violence les manifestations réclamant un régime démocratique civil.

Dans un rapport en date de février, la Commission nationale des droits de l’homme (CNDH) a déclaré que 128 personnes avaient été tuées et 518 autres blessées. Elle a constaté que les forces de sécurité « ont systématiquement violé plusieurs droits fondamentaux de l’Homme... en utilisant des moyens disproportionnés » pour réprimer les manifestations. La Commission a posé plusieurs questions au gouvernement, y compris sur les raisons pour lesquelles aucune enquête judiciaire n’avait été ouverte sur les violations des droits humains, et a demandé que les auteurs de ces violations soient poursuivis.

En novembre 2022, le ministre de la Justice a déclaré que 621 personnes avaient été arrêtées en lien avec les manifestations, dont 83 enfants. En novembre et décembre 2022, les procès collectifs de 401 des personnes arrêtées ont débuté à Koro Toro, une prison de haute sécurité située à 600 kilomètres de N’Djamena et conçue pour l’incarcération d’individus considérés comme des extrémistes violents. Au total, 262 individus ont été condamnés à des peines de prison allant de 24 à 36 mois pour plusieurs chefs d’accusation, notamment pour attroupement non autorisé, destruction des biens, incendie volontaire et troubles à l'ordre public. Quatre-vingts personnes ont été condamnées à des peines de prison avec sursis et 59 autres ont été acquittées. En décembre 2022, 80 enfants ont été remis en liberté sous caution. La majorité des manifestants ont ensuite été graciés et remis en liberté par groupes au cours de l’année 2023.

Dans les jours qui ont suivi les violences, la CEEAC, l’une des huit communautés économiques régionales de l’Union africaine, a annoncé la création d’une commission d’enquête. Celle-ci n’a pas encore rendu public son rapport.

Violences dans le sud

Les affrontements violents, attribués aux conflits entre éleveurs et agriculteurs sédentaires, se sont multipliés dans le sud.

En avril, au moins 23 personnes autour des Monts de Lam, dans la province du Logone-Oriental, ont été tuées en moins de 48 heures, selon les médias. Le 8 mai, au moins 17 autres personnes ont péri dans une attaque menée par des hommes armés non identifiés contre le village de Dion. Le 17 mai, dans la même région, 11 personnes ont été tuées par ce que le gouvernement a qualifié de « bandits ». La plupart des victimes étaient de jeunes enfants.

Le cycle de représailles meurtrières s’est poursuivi jusqu’en septembre à proximité des Monts de Lam.

Groupes armés islamistes

Les groupes armés islamistes Boko Haram et l’État islamique en Afrique de l’Ouest (Islamic State in West Africa Province, ISWAP) ont continué de mener des attaques contre des civils dans la région du lac Tchad.

Au Sahel, le Tchad contribue depuis des années sur le plan militaire aux opérations régionales de lutte contre le terrorisme. Le président français Emmanuel Macron a déclaré en novembre 2022 la fin de Barkhane, l’opération de contre-terrorisme menée par Paris contre les groupes islamistes armés au Sahel et dont le siège se trouvait à N’Djamena. Le Tchad est le troisième plus grand contributeur de troupes à la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), à laquelle le Conseil de sécurité de l’ONU a mis fin en juin. La MINUSMA devait se retirer du pays d’ici fin 2023.

L’avenir du G5 Sahel, une force conjointe de lutte contre le terrorisme dans la région, qui comprenait le Tchad, le Burkina Faso, la Mauritanie, le Niger et le Mali, est en jeu depuis que le Burkina Faso et le Niger ont annoncé leur intention de s’en retirer après le départ du Mali.

Réforme constitutionnelle

La création en 2021 du CMT et du CNT contrevenait de manière flagrante à une exigence constitutionnelle selon laquelle le pouvoir devait être transféré au président de l’Assemblée nationale jusqu’à la tenue d’élections. Un dialogue national organisé en 2022 – jugé non inclusif par l’opposition politique et les acteurs de la société civile – a adopté une mesure visant à prolonger la transition pour un maximum de 24 mois et les délégués ont décidé que Mahamat Déby resterait chef de l’État par intérim. Au cours de l'année 2023, les autorités de transition ont maintenu l'organisation d'un référendum constitutionnel malgré les appels à l'inclusion politique et au dialogue lancés par les acteurs politiques et civils.

Orientation sexuelle et identité de genre

L’article 354 du Code pénal de 2017 interdit les « rapports sexuels avec les personnes de son sexe ». En vertu de ce code, les personnes reconnues coupables de relations homosexuelles encourent jusqu’à deux ans d’emprisonnement et une amende comprise entre 50 000 et 500 000 francs CFA (environ 75 à 750 dollars américains).

Droits sociaux et économiques

Selon le Programme alimentaire mondial (PAM), le Tchad est l’un des pays les plus touchés par la faim, puisqu’on estime que 42% de ses habitants vivent dans la pauvreté et plus de 37% des enfants âgés de moins de cinq ans connaissent de retards de croissance.

Des millions de personnes souffrent du manque d’investissements en matière de protection sociale, tandis que le changement climatique et la désertification ont un impact négatif sur les rendements agricoles.

Déplacements de population

Début octobre, plus de 420 000 réfugiés soudanais avaient fui vers l’est du Tchad depuis le début de la crise au Soudan. Avant le conflit, environ 1,9 million de personnes dans les provinces orientales du Tchad avaient besoin d’une aide humanitaire, avec des taux de malnutrition dépassant dans plusieurs régions le seuil critique fixé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

Justice internationale

Les victimes de l’ancien président Hissène Habré, décédé du COVID-19 en août 2021 alors qu’il purgeait une peine d’emprisonnement à perpétuité, n’ont pas reçu d’indemnisation. Hissène Habré avait été reconnu coupable de crimes contre l’humanité, de crimes de guerre et d’actes de torture le 30 mai 2016. Ses crimes incluaient des violences sexuelles, notamment des viols et la réduction en esclavage sexuel de femmes pour ses soldats.

En septembre 2022, le gouvernement tchadien avait annoncé le versement de 10 milliards de francs CFA (soit 16 millions de dollars) pour indemniser les victimes et survivants des abus de l’ère Hissène Habré. En mai, Mahamat Idriss Déby Itno a informé la délégation d’un groupe de victimes qu’il avait demandé au ministre des Finances de mettre la contribution du Tchad à la disposition des victimes, mais aucune mesure n’a été prise en ce sens. Le gouvernement n’a pas respecté la décision d’un tribunal tchadien exigeant une indemnisation supplémentaire pour les victimes ainsi que la création d’un monument en mémoire des ceux qui ont perdu la vie alors qu’Hissène Habré était au pouvoir et d’un musée dans l’ancien quartier général de la police politique, où les détenus étaient torturés.

Bien que l'Union africaine ait alloué 5 millions de dollars à un fond au profit des victimes en 2017, conformément à l'ordonnance de la cour d'appel du Sénégal, le fond n'est toujours pas opérationnel.​

Principaux acteurs internationaux

En septembre, les médias ont rapporté que les Émirats arabes unis avaient envoyé des armes à la milice des Forces de soutien rapide au Darfour, en violation de l'embargo sur les armes décrété par les Nations unies, via une piste d'atterrissage située dans l'est du Tchad.