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France : La Cour de cassation confirme la condamnation du vice-président de la Guinée équatoriale

Cette décision de justice ouvre la voie à la restitution aux Équatoguinéens de leurs ressources spoliées

Teodorin Nguema, le vice-président de la Guinée Equatoriale et fils du Président Teodoro Obiang. © 2013 Jérôme Leroy/AFP via Getty Images

(Paris) – La plus haute juridiction française, la Cour de cassation, a confirmé le 28 juillet 2021 deux condamnations, prononcées par des juridictions de degré inférieur, visant Teodorin Nguema Obiang Mangue, vice-président de la Guinée équatoriale et fils aîné du président de ce pays, reconnu coupable de détournement et de blanchiment de fonds publics, ont annoncé aujourd’hui Human Rights Watch et EG Justice.

La décision met fin à plus d’une décennie de procédure judiciaire et donne à la France le contrôle d’environ 150 millions d’euros (177 millions de dollars) de biens mal acquis, qui doivent maintenant être restitués à la Guinée équatoriale au profit de celles et ceux qui ont été privés de ces ressources.

« Aujourd’hui marque une victoire considérable dans la lutte visant à empêcher les kleptocrates de confisquer les ressources publiques pour se payer des trains de vie somptuaires à l’étranger, privant le peuple équatoguinéen de ses droits sociaux et économiques fondamentaux », s’est félicitée Sarah Saadoun, chercheuse senior au sein de la division Entreprises et droits humains de Human Rights Watch. « La France rejoint désormais les États-Unis et la Suisse en détenant un total de 237 millions de dollars d'actifs récupérés qui doivent être restitués au profit du peuple équato-guinéen. »

La décision de la Cour de cassation met fin à une action en justice intentée en France en 2008 contre Teodorin Obiang par deux organisations de lutte contre la corruption, Transparency International-France et Sherpa. À l’époque, Teodorin Obiang était ministre de l’Agriculture et des Forêts, avant d’être nommé en 2016 vice-président, dans un effort manifeste visant à renforcer sa demande d’immunité diplomatique.

L’affaire, qui fait suite à une enquête du Sénat des États-Unis sur le rôle d’une banque américaine dans la facilitation de la corruption du président équatoguinéen et de son clan, a révélé que Teodorin Nguema Obiang avait usé de sa position pour piller les comptes de son pays et blanchir de l’argent en France. Par l’intermédiaire d’un réseau d’entreprises, il a ainsi acquis un hôtel particulier de 101 chambres sur la très chic avenue Foch à Paris, ainsi qu’une flotte de voitures de luxe, des œuvres d’art, des montres, des vêtements de marque et des grands crus.

La décision de justice fait de la France le troisième pays à avoir recouvré des avoirs de Nguema Obiang, lesquels doivent être restitués aux Équatoguinéens. Le 20 juillet, la France a adopté une loi exigeant que les avoirs saisis dans des affaires de corruption soient restitués à la population qui aurait dû en être bénéficiaire.

En 2011, le ministère américain de la Justice a saisi plus de 70 millions de dollars d’actifs appartenant à Nguema Obiang et en 2017, la Suisse son super yacht de 100 millions de dollars et 25 voitures. Le ministère américain de la Justice a mis fin à l’affaire en 2014 après que Nguema Obiang a accepté de s’acquitter de 30 millions de dollars ; les procureurs suisses ont conclu leur enquête en 2019 après que Nguema Obiang a accepté de renoncer à ses véhicules, vendus ultérieurement aux enchères pour un montant de 27 millions de dollars. En vertu des deux accords, les avoirs confisqués doivent être restitués au peuple équatoguinéen, mais aucun des gouvernements ne l’a encore fait. Le 23 juillet, sur la base de preuves découvertes dans ces affaires, le Royaume-Uni a imposé des sanctions à Nguema Obiang, notamment en gelant ses avoirs et en lui interdisant de séjourner sur le territoire britannique.

La découverte de pétrole en Guinée équatoriale dans les années 1990 a généré une richesse colossale qui aurait pu transformer la vie des habitants de ce petit pays d’Afrique centrale si le gouvernement s’en était servi pour respecter ses obligations relatives aux droits sociaux et économiques de sa population. Malheureusement, la corruption systémique et les détournements de fonds ont largement gâché cette opportunité. Le président, au pouvoir depuis 1979 – ce qui fait de lui le chef d’État avec la plus grande longévité au monde, conserve la mainmise sur le gouvernement et ne tolère aucune dissidence. Peu de détails, voire aucun, n’ont été rendus publics sur les budgets nationaux, et les marchés publics manquent de transparence.

Les avoirs recouvrés en attente d’être rapatriés en Guinée équatoriale par les trois pays pourraient enfin permettre à la population de percevoir les bénéfices tangibles de la manne pétrolière qui, jusqu’à présent, n’a profité qu’à une petite élite politique. Cependant, dans la mesure où Nguema Obiang reste au pouvoir et que la corruption dans le pays est endémique, il existe un risque élevé que ces actifs, une fois restitués, soient à nouveau détournés. Les responsables équatoguinéens ont qualifié ces accusations de corruption de tentatives néocolonialistes par des gouvernements étrangers de spolier les ressources naturelles du pays. Il est par conséquent crucial de veiller à ce que les avoirs recouvrés demeurent indépendants du gouvernement qui les a saisis.

Pour garantir la crédibilité et l’intégrité du processus, la France, ainsi que les États-Unis et la Suisse, devraient soigneusement sélectionner les projets à financer et débourser les fonds par le biais d’un mécanisme totalement transparent, responsable et indépendant. Le système doit adhérer aux principes de restitution responsable des avoirs, élaborés par plusieurs organisations de la société civile, dont Human Rights Watch et EG Justice. Ces principes s’appuient sur ceux convenus par le Forum mondial pour le recouvrement d’avoirs, une initiative intergouvernementale organisée par la Banque mondiale.

« Cette affaire, ainsi que celles aux États-Unis et en Suisse, ont révélé au grand jour que le fils du président avait abusé de son pouvoir pour priver les Équatoguinéens de leurs droits, mais ne sont pas parvenues à lui faire rendre des comptes », a déclaré Tutu Alicante, directeur exécutif d’EG Justice. « Les gouvernements étrangers doivent réparer ce tort et sanctionner Teodorin pour corruption. »

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