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Le gouvernement a indiqué à la plus haute juridiction du Royaume-Uni que le Rwanda était « moins attrayant » que le Royaume-Uni, mais qu'il s'agissait d'un pays sûr vers lequel expulser les demandeurs d'asile. © Yui Mok/PA, PA Wire

« Nous changeons régulièrement de téléphone, mais ils trouvent toujours le numéro. » Tels sont les propos de Faustin Rukundo, ancien haut responsable d’un groupe d’opposition rwandais vivant en exil à Leeds, qui s’exprimait ouvertement sur le ciblage par le Rwanda de ses ressortissants à l’étranger. « Toute personne proche de moi est menacée », a ajouté son épouse, Violette Uwamahoro. Il est pour moi clair que leurs craintes pour leur sécurité ainsi que celle de leurs familles, au Royaume-Uni comme au Rwanda, sont totalement fondées.

Pourtant, cette semaine, le gouvernement britannique plaidait devant la Cour suprême que le Rwanda est un « pays tiers sûr » où envoyer des demandeurs d’asile, et que l’on peut se fier à ses fragiles promesses selon lesquelles le pays respectera leurs droits.

Le gouvernement redouble d’efforts après qu’un tribunal britannique a jugé l’accord illégal en juin, au motif que les demandeurs d’asile transférés au Rwanda risquent d’être renvoyés dans leur pays d’origine, où ils pourraient subir de mauvais traitements. Le contraste entre, d’une part, ce que dit le gouvernement britannique pour défendre son accord sur l’asile et d’autre part, le vécu des 150 Rwandais que nous avons interviewés, dont de nombreux réfugiés et demandeurs d’asile, est saisissant.

Nous avons documenté une dizaine de cas de meurtres, d’enlèvements, de disparitions forcées et d’attaques contre des Rwandais vivant à l’étranger, ainsi que l’utilisation abusive de la coopération policière et des mécanismes nationaux et internationaux d’application de la loi pour obtenir l’arrestation et l’expulsion de dissidents vers le Rwanda. Nous avons également constaté que des proches au Rwanda de personnes interviewées ont été arbitrairement détenus, ont fait l’objet de disparitions forcées, ont été torturés, empêchés de quitter le pays, menacés et harcelés, et ont partagé des allégations de meurtres, commis afin de faire pression sur les membres de leur famille à l’étranger et les réduire au silence.

En 2017, Violette Uwamahoro, citoyenne britannique naturalisée, a été détenue au secret, menacée et on lui a demandé d’espionner son mari alors qu’elle était retournée au Rwanda pour assister aux funérailles de son père. Lors des interrogatoires, des responsables rwandais lui ont demandé pourquoi elle était mariée à un ennemi du pays et pourquoi elle n’avait pas coupé tous liens avec lui avant de venir au Rwanda.

En 2019, Faustin Rukundo a été informé qu’il avait été la cible de Pegasus, le puissant logiciel espion qui peut accéder aux listes de contacts et aux messages d’un téléphone, suivre les appels, recueillir les mots de passe, localiser l’appareil visé et détourner son microphone et sa caméra pour les transformer en véritables outils de surveillance.

Rien que depuis 2021, nous avons documenté cinq meurtres suspects de Rwandais en Afrique du Sud, au Mozambique et en Ouganda, deux détentions arbitraires et tentatives de retour forcé de dissidents rwandais en Ouganda, ainsi que la disparition forcée d’un ancien journaliste et détracteur au Mozambique. Il semblerait que les garanties fournies par le gouvernement rwandais au Royaume-Uni ne concernent pas la protection et les droits des réfugiés et demandeurs d’asile rwandais dans le monde.

La ministre britannique de l’Intérieur, Suella Braverman, a déclaré que c’était son « rêve » et son « obsession » de voir enfin le premier vol de demandeurs d’asile s’envoler vers le Rwanda. Le gouvernement présente le Rwanda comme un partenaire progressiste apportant des solutions à des problèmes mondiaux. Plus récemment, le Haut-commissaire du Rwanda au Royaume-Uni a banalisé les fusillades et les meurtres perpétrés par la police de 12 réfugiés congolais en 2018, alors que ces derniers protestaient contre une réduction des rations alimentaires.

Depuis l’annonce de l’accord, le Royaume-Uni s’est fait remarquer par son silence sur le bilan du Rwanda en matière de droits humains, y compris en ce qui concerne le soutien de ce dernier au M23, un groupe armé responsable d’abus actif dans l’est de la République démocratique du Congo où il a commis des atrocités, déclenchant une crise humanitaire catastrophique et le déplacement de plus d’un million de personnes.

Alors que les États-Unis et l’UE n’ont pas tardé à appeler le Rwanda à mettre fin à son soutien au M23 et à imposer des sanctions aux responsables rwandais, le Royaume-Uni s’est limité à critiquer « le soutien extérieur aux groupes armés ».

Une note du ministère britannique des Affaires étrangères, rendue publique lors d’une procédure judiciaire visant à contester l’accord entre le Royaume-Uni et le Rwanda, indique qu’en mars 2021, des responsables britanniques avaient informé le secrétaire d’État aux Affaires étrangères de l’époque, Dominic Raab, que si le Rwanda était choisi comme partenaire pour l’accord sur l’asile, le gouvernement devrait « restreindre les positions du Royaume-Uni sur le bilan du Rwanda en matière de droits humains et assumer les critiques qui en découlent ». L’ancienne ministre britannique des Affaires étrangères, Justine Greening, a alerté sur le fait que l’accord du Royaume-Uni avec le Rwanda risquait de « rétrograder » sa politique étrangère.

Le Royaume-Uni devrait mener une politique cohérente en ce qui concerne le Rwanda. En maintenant obstinément son accord cruel et illégal sur l’asile avec le Rwanda, le Royaume-Uni met en danger les demandeurs d’asile vulnérables arrivant sur son territoire et enhardit un gouvernement dont l’influence néfaste plane bien au-delà de ses frontières nationales.

Le Royaume-Uni devrait dénoncer les violations des droits humains commises par le gouvernement rwandais, et renoncer une fois pour toutes à son accord dangereux sur l’asile.

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