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Lettre ouverte au Secrétaire général de l’ONU concernant Israël et les territoires palestiniens occupés

Lettre conjointe à António Guterres sur l'urgence de protéger les enfants dans le cadre du conflit à Gaza

16 novembre 2023

M. António Guterres
Secrétaire général des Nations Unies

Monsieur le Secrétaire général,

Nous sommes  alarmés par l’escalade des hostilités en Israël et à Gaza et par les conséquences inadmissibles qu’elle entraîne sur les enfants israéliens et palestiniens. Comme vous l’avez observé le 6 novembre, Gaza est en train de devenir un « cimetière pour les enfants ». Nous vous écrivons pour vous exhorter à ajouter les Forces de défense israéliennes (FDI), les Brigades Qassam (Hamas) et le Jihad islamique à votre liste d’auteurs de violations graves contre les enfants dans les conflits armés (parfois surnommée « list of shame », ou « liste de la honte ») avec effet immédiat, et de donner la priorité à la protection des enfants dans votre réponse au conflit.

Les forces israéliennes et les groupes armés palestiniens ont commis de graves exactions équivalant à des crimes de guerre au cours des hostilités actuelles. Environ 1 200 personnes en Israël, dont au moins 31 enfants, ont été tués, selon les autorités israéliennes, en grande partie lors de l'attaque du 7 octobre par des combattants dirigés par le Hamas. Ils ont également pris en otage plus de 240 personnes, dont au moins 30 enfants.

Entre le 7 octobre et le 7 novembre, 4 237 enfants palestiniens ont été tués, selon le ministère de la Santé de Gaza, lors des bombardements intensifs menés par les forces israéliennes ; ce chiffre représente plus de 40 % du nombre total de morts. Le nombre d’enfants tués à Gaza au cours des trois semaines qui ont suivi le 7 octobre a dépassé le nombre total d’enfants tués chaque année dans les zones de conflit mondial depuis 2019. Même avant les hostilités actuelles, cette année a également été la plus meurtrière jamais enregistrée pour les enfants palestiniens en Cisjordanie, où 86 enfants ont été tués par les forces israéliennes et les colons.

Les attaques israéliennes ont également endommagé au moins 278 établissements d'enseignement et 120 établissements de santé. Les coupures d’électricité, de carburant et d’électricité et le refus délibéré de toute aide humanitaire, même si elle est largement insuffisante – des actes qui constituent des crimes de guerre – ont également mis la vie des enfants en danger. Cela a été compliqué par l’impossibilité pour presque tous les enfants malades et blessés d’obtenir des soins médicaux en dehors de Gaza.

Le 30 octobre, le Bureau de l’ONU pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA) de l'ONU a exprimé ses inquiétudes concernant les allégations d'installations militaires à proximité immédiate des hôpitaux et la demande des autorités israéliennes d'évacuer les hôpitaux, déclarant qu'« il n'y a aucun endroit sûr où aller pour ces patients, ainsi que pour ceux qui sont sous assistance respiratoire et les bébés en incubateurs, déménager serait presque certainement une condamnation à mort ».

Le meurtre d’enfants ou le fait de les blesser, l'enlèvement d'enfants, les attaques contre des écoles et des hôpitaux et le refus de l'accès humanitaire constituent des violations graves des droits des enfants lors de conflits armés (Children And Armed Conflicts, CAAC), selon la Résolution 1612 du Conseil de sécurité de l’ONU et les résolutions ultérieures à cet égard.

Même avant l'escalade actuelle des hostilités, les Nations Unies avaient signal, dans le cadre CAAC, des milliers de violations graves commises contre des enfants en Israël et dans les territoires palestiniens occupés. Dans votre Rapport annuel 2022 sur les enfants et les conflits armés, vous avez indiqué que vous étiez « alarmé par l’augmentation du nombre de violations graves » contre les enfants palestiniens liées aux frappes aériennes israéliennes en 2021 ; vous avez averti que si la situation se répétait, « Israël devrait être inscrit sur la liste » [des pays et groupes armés responsables de violations des droits des enfants]. En 2022, 86 enfants palestiniens ont été tués et 1 121 ont été blessés. Vous avez également souligné que vous étiez « préoccupé par l’augmentation du nombre de meurtres et d’atteintes à l’intégrité physique d’enfants imputables à des groupes armés palestiniens », et ajouté que ces groupes « devraient être [aussi] inscrits sur la liste » en cas d’un nouveau nombre élevé de violations en 2022. Toutefois, à ce jour, ni Israël ni les groupes armés palestiniens n'ont été inclus dans votre liste annuelle des auteurs de violations graves contre enfants.

L’escalade dramatique des hostilités en Israël et à Gaza ces dernières semaines et la montée en flèche du nombre de décès d’enfants exigent une action urgente. Plus précisément, nous vous recommandons de prendre les mesures suivantes :

  • Ajouter immédiatement les forces israéliennes, les Brigades Qassam (Hamas) et le Jihad islamique à votre « liste de la honte », en raison de leurs graves violations des droits des enfants,
  • Inclure des références explicites au respect et à la protection des droits des enfants lors d’actions de plaidoyer concernant les parties au conflit ;
  • Souligner la nécessité pour toutes les parties de respecter strictement le droit international humanitaire au cours des hostilités ; de mettre fin aux attaques illégales, indiscriminées et disproportionnées ; et de prendre en compte l'intérêt supérieur des enfants dans la prise de chaque décision ;
  • Profiter de votre influence auprès des parties belligérantes et de leurs alliés pour plaider avec force en faveur d'actions concrètes visant à protéger les enfants, et à mettre fin aux graves violations dont ils sont victimes.

Nous comptons sur votre engagement sans équivoque pour garantir la sécurité et le bien-être des enfants touchés par ce conflit.

Veuillez agréer, Monsieur le Secrétaire général, nos cordiales salutations.

Lloyd Axworthy, ex-Ministre canadien des Affaires étrangères et président du Conseil mondial sur les réfugiés et les migrations

Ishmael Beah, auteur et Ambassadeur itinérant de l'UNICEF

Carol Bellamy, ex-Directrice générale de l'UNICEF (1995-2005)

Agnès Callamard, Secrétaire générale, Amnesty International

Lieutenant-général (retraité) Roméo Dallaire, fondateur de l'Institut Dallaire pour l'enfance, la paix et la sécurité, ancien commandant de la Force de la Mission d'assistance des Nations Unies au Rwanda

Tiffany Easthom, Directrice exécutive, Nonviolent Peaceforce

Tirana Hassan, Directrice exécutive, Human Rights Watch

Ezequiel Heffes, Directeur, Watchlist on Children and Armed Conflict

Anthony Lake, ex-Directeur exécutif de l'UNICEF et ancien conseiller à la sécurité nationale des États-Unis

Yanghee Lee, ex-Présidente du Comité des Nations Unies sur les droits de l'enfant, Présidente du Centre international des droits de l'enfant

Achaleke Christian Leke, Directeur exécutif de Local Youth Corner (LOYOC) Cameroun, Ambassadeur de la jeunesse de l'UA pour la paix

Stephen Lewis, ex-Directeur adjoint de l'UNICEF, ex-Représentant spécial des Nations Unies sur le sida en Afrique

Rosemary McCarney, ex-Ambassadrice du Canada auprès des Nations Unies et de la Conférence du désarmement

Benyam Dawit Mezmur, ex-Rapporteur spécial sur les enfants et les conflits armés du Comité africain d'experts sur les droits et le bien-être de l'enfant, professeur de droit à l'Université du Cap-Occidental

Mikiko Otani, ex-Présidente du Comité des droits de l'enfant des Nations Unies

Savita Pawnday, Directrice exécutive du Global Centre for the Responsibility to Protect (Centre mondial pour la responsabilité de protéger)

Allan Rock, ex-Ambassadeur du Canada auprès des Nations Unies et président émérite de l'Université d'Ottawa

Shelly Whitman, Directrice générale de l'Institut Dallaire pour les enfants, la paix et la sécurité

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