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L’accord entre l’UE et l’Égypte récompense l’autoritarisme et trahit les « valeurs européennes »

La volonté obsessionnelle de contrôler les migrations ignore les abus et renforce l’oppression

La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, aux côtés du président égyptien Abdel Fattah al-Sissi, lors d’une visite au Caire, le 15 juin 2022. ​© 2022 UE/Direction générale du voisinage et des négociations d'élargissement (DG NEAR)

L’Union européenne s’apprête à récompenser le dirigeant autocratique égyptien Abdel Fattah al-Sissi pour des mesures visant à empêcher le départ de migrants vers l’Europe.

Lors de leur visite au Caire le 17 mars, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, ainsi que les premiers ministres italien, grec et belge, confèreront officiellement aux relations UE-Égypte le statut de « partenariat stratégique global », ouvrant ainsi la voie à l’octroi à l’Égypte, par l’UE, de subventions, de prêts et d’investissements de l'UE dans le pays, d’un montant total compris entre quatre et huit milliards d'euros, selon les estimations.

La clé de ce partenariat sera le soutien de l’UE aux mesures prises par l’Égypte pour renforcer le contrôle de ses frontières. Bien que les détails soient en cours de négociation, le plan est le même que celui des accords imparfaits de l’UE avec la Tunisie et la Mauritanie : stopper les migrants, ignorer les abus.

Human Rights Watch a précédemment documenté des arrestations arbitraires et des mauvais traitements de migrants, de demandeurs d'asile et de réfugiés par les autorités égyptiennes, ainsi que des expulsions vers l'Érythrée constituant une forme de refoulement. Les récents rapports faisant état d'expulsions de Soudanais devraient faire l'objet d'une enquête.

Human Rights Watch critique depuis longtemps l'approche de l'UE en matière de contrôle des migrations, adoptée notamment par Ursula von der Leyen ; cette approche expose l'UE au risque de complicité dans des abus, contredit ses valeurs fondatrices, érode sa crédibilité en tant qu’acteur défenseur de principes au niveau mondial, et enhardit les discours démagogiques de l'extrême droite à travers l'Europe. Cette approche renforce les dirigeants autoritaires tout en trahissant les défenseurs des droits humains, les journalistes, les avocats et les militants dont le travail implique de grands risques personnels.

Le cas de l’Égypte en est l’exemple parfait.

Depuis qu’il a pris le pouvoir lors d’un coup d’État en 2013 et qu’il est devenu président en 2014, Abdel Fattah al-Sissi dirige l’Égypte d’une main de fer. Son gouvernement a massacré des manifestants et emprisonné et torturé des milliers de détracteurs et d’opposants présumés, les maintenant souvent en détention provisoire prolongée ou les condamnant à l’issue de procès manifestement inéquitables. Les médias indépendants et la société civile ont été étouffés, et le pouvoir judiciaire acquiesce de manière obéissante à la répression gouvernementale. L’armée a étendu ses pouvoirs sur la vie civile.

Aujourd’hui, cette répression implacable est récompensée par un nouveau soutien de la part de l’UE, notamment par le biais de fonds qui soutiendront peut-être directement la répression de migrants.

Dans le même temps, le Fonds monétaire international (FMI) et les Émirats arabes unis ont fourni des milliards pour renflouer les réserves diminuées de l’Égypte. Les fonds du FMI sont liés aux réformes économiques soutenues par l’UE, même si certaines de ces réformes sont préjudiciables aux droits économiques des Égyptiens, dans un contexte de pauvreté croissante.

Sans promouvoir de véritables réformes en matière de droits humains ou sans freiner les abus du gouvernement égyptien, il est peu probable que le soutien de l’UE empêche l’arrivée d’une nouvelle crise économique ou politique en Égypte. Les Égyptiens ordinaires, les commerçants, les migrants et les réfugiés continueront de payer le prix de cette approche, tandis que leurs oppresseurs prospèrent grâce à l’impunité et à un soutien renouvelé.

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